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Paroles Paroles Paroles

Publié le 14 octobre 2008 par Marivaudage
Pendant longtemps je n'ai pas véritablement fait attention aux paroles des chansons en anglais que j'écoutais. Certes, je lisais consciencieusement les livrets qui accompagnaient le CD mais mon analyse se réduisait souvent à la compréhension des mots, des phrases et de la prononciation : ça me permettait de chanter sur le refrain. Si je pouvais déjà être séduit par quelques punch-line, comme seul l'anglais sait en faire, du type "She loves you, yeah yeah yeah", "And now you do what they taught you !" ou encore "You're gonna fight ! For your right ! To paaarty !", je n'étais pas touché par ces refrains, qui avaient pour moi l'efficacité d'un slogan publicitaire plutôt que la profondeur d'âme d'une page de Stendhal.
Les Smiths en pleine gloire : Andy Rourke, Morrissey, Mike Joyce, Johnny Marr

J'ai changé d'approche suite à l'amélioration de mon niveau d'anglais, et surtout, surtout, suite à ma découverte de Morrissey. Ce fut une révélation : on peut être un chanteur pop et avoir vraiment des choses à dire ! Même au travers de chansons qui parlent de sujets aussi banals (mais non triviaux !) que les histoires sentimentales. Que ce soit au sein des Smiths ou en solo, Morrissey a toujours pour moi dégagé une sensibilité exacerbée, ajoutée à une bonne dose de vitriol, que je n'avais connu que dans le cinéma ou la littérature. Bien sûr, Morrissey n'est pas le seul à écrire des textes bouleversants (il y a Leonard Cohen ou Jeff Buckley par exemple) mais il reste pour moi le meilleur, le plus percutant parolier anglophone que je connaisse. La comparaison avec les paroliers français est pour moi hors sujet, non pas que je les sous-estime (Gainsbourg !), mais tout simplement parce que le français est ma langue maternelle : ces deux langues ne jouent pas dans la même cour.
Bref, toute cette laborieuse introduction pour vous présenter ma sélection (très subjective) des plus belles paroles écrites par Morrissey. Et bien sûr, le fait que la musique qui accompagne ces textes soit souvent superbe ne fait que les sublimer.
Alsatian Cousin
Première chanson du premier album solo de Morrissey, Alsatian Cousin est pour moi d'une violence inouïe dans son traitement de cet horrible sentiment qu'est la jalousie. Morrissey, trompé, soumet son partenaire (garçon ou fille ? dur de savoir avec Morrissey) à un terrible interrogatoire. Il est trompé, il en est certain ("So I ask (even though I know)") mais il veut l'entendre de la bouche de son partenaire. Il adopte ce travers tellement habituel et destructeur de la jalousie, à demander ainsi tous les détails : quand ? où ? comment ? sur le bureau ? C'est une chanson d'une beauté stupéfiante, bien qu'assez difficile d'accès. La musique est à l'image des affres de Morrissey, avec cette guitare déchirante. J'apprécie particulièrement le break et la reprise au bout de 2 minutes.

Were you and he lovers ?
And would you say so if you were ?
On a forecourt / On a Friday
Passing my way
Oh...
Were you and he lovers ?
And if you were, then say that you were!
On a groundsheet / Under canvas
With your tent-flap
open wide
A note upon his desk
"P.S. Bring Me Home And Have Me!"
Leather elbows on a tweed coat
Is THAT the best you can do ?
So came his reply :
"But on the desk is where I want you!"
So I ask (even though I know):
Were you and he lovers ?


Morrissey - Alsatian Cousin
Speedway
Dans cette chanson qui clôt le superbe Vauxhall & I, les paroles sont un peu plus elliptiques pour moi mais non moins touchantes. Aparemment, cette fois-ci c'est Morrissey qui a des écarts à se faire pardonner vis-à-vis de son partenaire. Il avoue que tous ces mensonges qu'on a dit à son sujet étaient en fait la réalité. La dernière strophe ("In my own strange way ...") est bouleversante de contrition et de sincérité. On a envie de tout lui pardonner quand on entend ça.
Musicalement, cette chanson est assez étonnante, avec son bruit de tronçonneuse et ses guitares tellement triturées qu'on dirait des violons (mais est-ce vraiment des guitares ?). J'aime beaucoup le solo de batterie dans les ultimes secondes de la chanson.
Les paroles ci-dessous, les plus poignantes, arrivent au bout de 3 minutes :

All of the rumours
Keeping me grounded
I never said, I never said that they were
Completely unfounded
And all those lies
Written lies, twisted lies
Well, they weren't lies
They weren't lies / They weren't lies
I never said / I never said
I could have mentioned your name
I could have dragged you in
Guilt by implication / By association
I've always been true to you
In my own strange way
I've always been true to you
In my own sick way

I've always stayed true to you


Morrissey - Speedway
Ce vieux poseur de Morrissey

De manière plus fugitive, je suis fan de cette première strophe dans le hit Bigmouth Strikes Again

Sweetness, sweetness I was only joking
When I said I'd like to smash every tooth
In your head

Cette chanson est d'ailleurs le plus grand hit des Smiths, la seule de leurs chansons que j'entendais aux soirées étudiantes (et encore, ça faisait un bide une fois sur deux). Il faut avouer que le petit riff de guitare à 50 secondes est im-pa-rable, tellement caractéristique du style de Johnny Marr.
The Smiths - Bigmouth Strikes Again
Ou encore ces phrases de Heaven Knows I'm Miserable Now, qui évoquent si bien le côté artificiel/masochiste de l'alcool (c'est d'ailleurs la toute première chanson des Smiths que j'ai entendue, qui m'avait rendu si curieux de ce groupe et qui reste une de mes préférées)

I was happy in the haze of a drunken hour
But heaven knows I'm miserable now

et, plus loin (1'45) :

What she asked of me at the end of the day
Caligula would have blushed
"Oh, you've been in the house too long" she said
And I (naturally) fled
In my life, Why do I smile
At people who I'd much rather kick in the eye ?


The Smiths - Heaven Knows I'm Miserable Now
Now My Heart is Full
Cette chanson parle quant à elle de l'amitié mais j'avoue que je ne comprends pas toutes les paroles. Il me semble qu'elle traite de ces périodes où, après avoir connu l'échec (sentimental sans doute), on se retourne vers ses amis proches pour se reconstruire ("A whole house will need re-building"). Cette redécouverte de ses amis, à une période de fragilité, peut rendre très sentimental, au point que son cœur déborde d'affection pour ses amis retrouvés. Enfin, c'est mon interprétation. Si ça se trouve, il veut dire que son cœur est plein dans le sens où il n'y a plus de place pour quiconque.
Quoiqu'il en soit, cette chanson, qui ouvre Vauxhall & I, est superbe, sensible, mélodieuse. Une des merveilles de l'album.

There's gonna be some trouble
A whole house will need re-building
And everyone I love in the house
Will recline on an analyst's couch quite soon
Your Father cracks a joke
And in the usual way
Empties the room
Tell all of my friends
(I don't have too many
Just some rain-coated lovers' puny brothers)
Dallow, Spicer, Pinkie, Cubitt
Rush to danger
Wind up nowhere
Patric Doonan - raised to wait
I'm tired again, I've tried again, and
Now my heart is full
Now my heart is full
And I just can't explain
So I won't even try to (...)


Morrissey - Now My Heart Is Full
Morrissey a également le génie des titres de chansons, titres certes à rallonge mais tellement évocateurs et qui sont de petits poèmes à eux seuls :
  • Sur la solitude amoureuse : Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me
  • Sur l'inconstance : I Started Something I Couldn't Finish
  • Sur la politique : Margaret at the Guillotine
  • Sur l'enfance : Barbarism Begins at Home
  • Sur un fait divers : Lifeguard Sleeping, Girl Drowning (peut-être mon titre préféré de tous)
  • Sur l'école : The Teachers Are Afraid Of The Pupils
  • Sur les filles : Some Girls Are Bigger Than Others
Quel autre artiste a écrit des titres de chansons aussi signifiants et originaux ?
Bref, Morrissey est peut-être quelqu'un d'assez agaçant, on peut détester ses poses de romantique torturé, sa voix, sa manière si particulière de chanter mais on ne me l'enlèvera pas l'idée qu'il est le Byron des temps modernes.
J'offre un pin's parlant à celui ou celle qui m'aura lu jusque là !

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