Pitch : un couple de jeunes mariés part en voyage de noces dans une belle 404 décapotable. Ise, la mariée, souhaite aller rendre visite à ses deux cousins qui habitent dans un château reculé et qu'elle n'a pas vus depuis des lustres. Arrivée sur place, elle apprend qu'ils sont morts la veille. Pas de chance ! Accueillis par deux étranges servantes, notre jeune couple s'installe au château et réalise assez vite qu'il s'y passe des choses pas très claires, à base de messes noires et d'expéditions nocturnes au cimetière.
Vous l'aurez deviné (ou pas), les deux cousins sont en fait deux anciens chasseurs de vampire qui ont été contaminés à leur tour par la grande prêtresse-vampire Isolde. Ce trio infernal va alors tenter par tous les moyens de vampiriser la jeune et belle mariée. Celle-ci, fascinée par le sang, paraît plus que consentante, au grand dam de son mari à qui elle refuse de se donner. A la fin, tout le monde s'entretue sur la plage de galets de Dieppe. Business as usual.
L'inquiétant château.
Les non moins inquiétants cousins
Le Frisson des Vampires est le troisième film réalisé par Jean Rollin et le dernier de la trilogie vampiresque fondatrice, avec Le Viol du Vampire et La Vampire Nue. J'ai appris que chacune des superbes affiches de cette trilogie a été dessinée par Jean Druillet, grand gourou de la BD de science-fiction des années 70, et qui avait notamment produit la série Lone Sloane (et même un pastiche de celle-ci avec Gotlib au scénario)
J'avoue que je suis rentré dans ce film un peu à reculons - en me disant que c'était mon dernier Rollin avant longtemps et qu'il fallait que j'élargisse un peu mon horizon dans le domaine du film d'épouvante. J'aimerais connaître mieux les films de Dario Argento, Romero ou même les vieux Cronenberg et Carpenter. Je me disais que l'effet de surprise "Jean Rollin" était émoussé et que je ne pouvais plus être captivé comme je l'avais été en découvrant La Vampire Nue ou le bien-nommé Fascination.
Au bout d'un quart d'heure, je me suis rendu compte que je me trompais. Inexplicablement, je me suis surpris à être happé par le rythme lent et l'atmosphère onirique que Jean Rollin imprime à chacun de ses films. On en oublie l'histoire abracadabrante, les trous du scénario et le côté fauché du film. On ne remarque même plus l'absurdité de ces filles, dénudées toujours, qui ne pensent qu'à sucer le sang des mortels. Ce qui compte avant tout, ce sont les impressions fortes que laisse chacune des séquences. Est-ce en fin de compte du cinéma impressionniste ?
J'ai également été frappé par la jeune et jolie Sandra Julien, qui interprète la jeune mariée. Son innocence trouble participe pour beaucoup à la réussite de ce film. Cette ravissante actrice a eu une bien trop courte carrière au début des années 70. Elle apparaît dans Nada de Claude Chabrol (1974) et aussi dans ... hum ... "Je suis une nymphomane" et "Je suis frigide .... pourquoi ?", 2 films de l'affligeant Max Pécas. Ceci dit, je viens de regarder cet extrait de "Je suis une nymphomane" et ça n'a pas l'air si mauvais que cela - je vais essayer de mettre la main dessus pour en avoir le cœur net. 1975 marque la fin de la carrière au cinéma de la jolie et talentueuse Sandra Julien (née Calaputti) et je ne sais pas du tout ce qu'elle a pu devenir après.
Je crois malgré tout que je vais faire une pause sur les Rollinades. Si je devais conclure sur ses films, je dirais que les oeuvres de Jean Rollin sont tout simplement dans une catégorie à part (les anglais ont un expression forte pour ça : they're in a league of their own). Si on arrive à mettre de côté ses critères classiques d'appréciation de film - et je comprendrais très bien que tout le monde n'en ait pas envie, on entre dans un espèce de monde parallèle à l'esthétique marquante, peuplé de personnages troublants, et dont le symbolisme érotique chatouille fréquemment l'inconscient.
A la réflexion, le trouble que me procure les films de Jean Rollin me renvoie à Gustave Moreau (pour le symbolisme), Salvador Dali (pour le surréalisme) ou JK Huysmans (pour le décadentisme). Jean Rollin est définitivement tout sauf une curiosité folklorique - malgré le réducteur label "navet" qu'on colle à ses films.
Apparition d'Isolde n°1
Apparition d'Isolde n°2
Rencontre d'Ise et Isolde
Les jeunes mariés un peu inquiets
On nage en plein expressionnisme
Le carnage final sur la plage de Dieppe