Pitch : c'est l'histoire d'une rencontre. Céline (Julie Delpy), française, et Jesse (Ethan Hawke), américain, font connaissance dans un train qui va de Budapest à Paris. Jesse s'arrête à Vienne et, à la dernière minute, arrive à convaincre Céline, qui doit aller jusque Paris, de descendre avec lui et de passer une soirée et une nuit à Vienne avant que lui ne reprenne son avion pour les Etats-Unis. Le film dure le temps de cette nuit. Nous suivons nos jeunes backpackers qui déambulent dans les rues de cette ville qui leur est inconnue et qui discutent (beaucoup) de la vie, d'eux-mêmes et de l'amour. Ils finissent par tromber dans les bras l'un de l'autre mais se rendent compte que leur amour ne pourra durer que jusqu'au lever du soleil (le sunrise du titre donc).
Nous voilà donc en face d'une comédie romantique dans son plus simple appareil : un garçon, une fille, une seule nuit. L'"action" est réduite au strict minimum, il n'y a aucune personnage secondaire et les dialogues sont omniprésents. Le film est constitué d'une dizaine de séquences, dans tout type de lieu (un café, une terrasse, un parc, une fête foraine, un tramway) où, de discussions en introspections, on voit l'amour respectif de nos héros se révéler, grandir et enfin être coupé net par l'inévitable séparation du petit matin.
En revanche, Before Sunrise décrit très bien les exquises premières heures d'une relation amoureuse. D'une part, le film nous montre de manière fort juste ces délicieux moments d'"avant", où le jeu de la séduction bat son plein mais où chacun sent que l'autre a envie de la même chose. Dans ces moments là, il y a une espèce d'entente totale, où tout s'enclenche naturellement. L'un commence une phrase que l'autre termine et on a en permanence envie de dire "Ca alors ! Moi aussi !". En fait, par ce mimétisme, l'autre devient un miroir qui renvoie une image très positive de soi. On se regarde dans l'autre et ce qu'on n'y voie n'est que sourire. Je pense que c'est pour cette raison que ces moments sont si agréables (et qu'on les fait souvent durer un peu plus que nécessaire). Sur le coup, on y croit toujours, même s'il ne s'agit en fin de compte que d'une version civilisée d'une parade nuptiale telle qu'on la trouve chez toutes les espèces animales, du chimpanzé au hérisson.
D'autre part, le film décrit assez finement les heures d'"après" (après le premier et chaste baiser, j'entends, celui qui scelle cette reconnaissance commune de l'autre : j'existe, tu existes, nous existons) bref ce moment où on a l'impression que notre couple tout frais est le seul, le plus beau, le plus pur. Où on sent que le monde nous appartient. Où l'on se fait interpeller dans la rue à coups de "Hé ! ça va les amoureux ?". Où toutes les quantités (l'argent, le temps, les distances) sont négligeables. Où la ville, que ce soit Vienne, Paris ou Toulouse, devient le décor de notre comédie romantique : partout où l'on passe, les objets et les gens ont l'air de nous faire des révérences.
Évidemment, cette poésie urbaine ne dure que quelques heures et la réalité (ici, le jour levant synonyme d'avion à prendre) finit toujours par reprendre le dessus. Before Sunset, en nous montrant les pérégrinations nocturnes de Céline et Jesse, évoque avec beaucoup de justesse cette douce rêverie éveillée.
En définitive, malgré l'omniprésence de dialogues pas toujours réussis, Before Sunrise est un film d'atmosphère plutôt touchant. Julie Delpy et Ethan Hawke n'en font pas des tonnes et restent justes, juvéniles et charmants. On a envie d'y croire pour eux comme on a pu y croire pour nous - en dépit de la réalité.