n revenant sur le colloque « Sciences en Société au XXIème siècle : autres relations, autres pratiques », je me rends compte que la participation de Jacques Testart était de loin la plus intéressante. Bien qu’elle soulève bien sur des interrogations, elle vaut le coup d’oeil. Son principal mérite est de réfléchir sur une disposition légale permettant à des citoyens d’intervenir sur des débats de science finalisée, sans pour autant être expert.
Car, évidemment, l’expert a une place de choix dans le champ démocratique. Il détermine de plus en plus les orientations décidées ou définies par les politiques, puisque le politique, lui n’est pas un expert, c’est un élu du peuple, il n’y connaît rien, et il a besoin d’un expert qui le lui explique. On pourrait comparer l’expert aux sophistes d’Athènes, se faisant rémunérer pour prodiguer conseils issus d’un savoir spécialiste et normalement étendu. La science d’aujourd’hui est en quelque sorte représentée par les experts auxquels on fait appel, qu’ils soient légistes, sociologues, neurobiologistes, psychologues … et on voit également la limite de leur savoir lorsqu’ils agissent devant les jurys de cour, devant les politiques …
Oui, l’expert ne sait pas tout !! C’est au politique de faire la synthèse de tous les savoirs qui lui sont proposés, un expert de ceci, un expert de cela. C’est une société d’expert qui est en marche, avec tous les travers collatéraux, lobbying, joli nom pour parler de la corruption et de la prévarication (j’adôrrrr ce joli mot, même s’il n’est pas très bien adapté à la situation).
Alors, comment faire ? La réponse de Jacques Testard est tout à fait convaincante, et mériterait d’être au moins testée : permettre aux citoyens de proposer des réponses aux questions d’ordre divers, mais avec un fondement scientifique (que fait-on avec les OGM ? Est-ce que les tours d’émission des portables, et plus généralement les micro-ondes utilisées par les systèmes WiFi sont dangereuses, quelles sont les normes de construction ? Devrait on continuer la recherche sur tel médicament, à quoi servirait-il ? Selon Testard, la réponse est également adaptée parce qu’il s’agit d’une science opérationnelle, finalisée ou de la techno-science.
Lors de ce colloque, de façon étonnante, les plus intéressés étaient les praticiens, de l’INRA, qui voyaient dans ces pratiques de nouveaux moyens de réguler la science appliquée et de façon plus démocratique. Ils sentent bien que, pour l’instant, la démocratie a littéralement déserté ces lieux de réflexion, alors qu’ils sont fondamentaux pour nos sociétés. Pour l’instant, seuls les experts ont le droit de prendre la parole (et le mot « bon droit » est choisi). Nous autres citoyens, regardons ce monde en consommateurs, et c’est à peu près tout. Par contre, les soit-disant spécialistes du science et société, gersulpiens et penseurs étaient tellement gênés par l’idée de savoir qui était ce citoyen qui allait prendre … leur place ? Car, il faut bien le dire, les chercheurs, même en science fondamentale, en oublient qu’ils ne peuvent plus être experts. Probablement, l’expertise est une source de revenus appréciable. Mais l’expertise donne aussi peut-être un sentiment de pouvoir genre éminence grise dont on va priver bon nombre de scientifiques qui, comme les sophistes en leur époque, n’aiment pas le piétinage de plate bande.
Apparemment, Mr Testart, non !
D’autres liens :
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