Magazine Cyclisme
Dieu sait que je n'aime pas accabler le peloton. Mes billets prouvent que je prends bien plus souvent fait et cause pour les coureurs que pour les organisateurs, les journalistes ou l'UCI, qui trop souvent jouent au punching-ball avec le cyclisme et brûlent sans remords les idoles encensées la veille. Mais je dois vous avouer que, depuis hier, la disgrâce d'Alexandre Vinokourov me réjouit. J'ai en effet le Kazakh dans le nez depuis une bonne année. Très exactement depuis le départ du Tour 2006, où ce petit monsieur a révélé sa vraie nature. Notre homme, dont les entraînements dans les lointaines steppes d'Asie centrale me laissaient déjà songeur, avait alors brandi en cas d'exclusion d'Astana faute de combattants la menace de mesures de rétorsions commerciales sur "les intérêts français au Kazakhstan". Fort du soutien du pouvoir en place, principal bailleur de fonds de son équipe, devenue la vitrine de cette république de l'ex-Union Soviétique, l'Alexandre faisait les gros yeux et tentait, en vain, de faire pression sur le direction du Tour. Les apparatchiks, inféodés aux hommes en place sous couvert d'ambition et de nationalisme, ne font guère selon moi de bons champions et ce relent de démocratie populaire à la sauce kazakh m'a rendu depuis Vino imbuvable… Les soupçons de dopage pesant sur lui et sa collaboration assumée avec le docteur Ferrari avaient, depuis, attiré sur lui pour d'autres raisons les regards suspicieux. Qu'il "tombe" aujourd'hui n'a donc rien de surprenant. Ce qui l'est en revanche, c'est la façon dont notre grand quotidien sportif national a ces derniers temps couvert l'événement. La veille de la disgrâce du faucon kazakh, le journal laissait en effet fort logiquement planer le doute sur les performances du Danois Rassmussen et de l'Espagnol Contador, sans s'émouvoir pour le moins du monde des étranges regains de forme de Vino, plombé un jour, aérien le lendemain. Le quotidien préférait vanter mercredi matin en "Une" "Le Courage de Vino", alors que, moins aveugle, Le Monde daté du même jour rappelait sous le titre "Le Tour de tous les miracles" que "(.…) depuis les sautes d'humeur de Floyd Landis, l'an dernier, la légende a du plomb dans l'aile. Les miracles ont leur limites". Jeudi, changement de ton. Tout à coup, les cieux s'ouvrent et laissent filtrer l'éclatante vérité. "Comment le Kazakh, flamboyant samedi lors du chrono d'Albi, à la dérive le lendemain sur la route du plateau de Beille et revenu à la vie lundi sur les flancs de Peyresourde, pouvait-il ne pas comprendre qu'il attirerait l'attention sur ses états de forme si fluctuants ?", pouvait-on même lire dans L'Equipe sous la plume de Damien Reissiot au matin de cette nouvelle journée noire dans l'histoire de la Grande Boucle. Le journaliste, bras armé du laboratoire de Châtenay-Malabry depuis les fuites organisées autour de "l'affaire Armstrong" aurait-il omis de faire part de ses doutes à ses camarades reporters couvrant le Tour. Dans les colonnes d'un même quotidien, des retournements aussi soudains et une ligne éditoriale aussi schizophrène ont tout de même de quoi surprendre… Hélas, quelque soit le dénouement de cette vilaine pièce, le cyclisme en sortira encore perdant. L'UCI et la boule puante complaisamment lancée dans les pattes d'ASO avec les révélations à retardement des manquements aux contrôles antidopage du Danois Rassmussen laisseront un goût amer dans la bouche des derniers défenseurs d'une discipline devenue folle. Peut-être le vainqueur sera t-il unanimement conspué sur les Champs-Elysées cette année ? L'abcès n'est pas encore crevé, mais le sport cycliste lui pas loin de l'être… Pendant un mois, Philostrate ralentit le rythme à raison d'une nouvelle chronique chaque vendredi. Prochain rendez-vous : vendredi 3 août à l'occasion de la reprise du championnat de France de football. Bonnes vacances à tous !