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Postraciale, la démocratie américaine ?

Publié le 03 novembre 2008 par Christian Tortel

Dans la presse de ce dimanche, le JDD nous propose plusieurs opinions sur les élections américaines à venir.

De l’écrivain Douglas Kennedy : ” J’espère qu’on va vers une société postraciale. “

De l’historien et démographe Emmanuel Todd, dont il faut citer la réflexion radicale (pour une part), paradoxale (pour une autre part) :

” Je serais soulagé si Barack Obama était élu. Mais il faut bien avoir en tête la question du sentiment racial dans l’histoire américaine. On ne paut pas dire : la démocratie aux Etats-Unis est formidable, mis à part un petit problème de racisme qui va être corrigé par l’élection de Barack Obama. Le racisme est le fondement même de la démocratie américaine. Le concept de race a été, aux Etats-Unis, unificateur. L’idéal démocratique s’y est affirmé contre les Noirs et les Indiens. La différence noire est ce qui a permis d’affirmer l’égalité blanche : on est tous pareils parce qu’on est tous blancs, quelles que soient nos origines. “

Emmanuel Todd prolonge cette analyse radicale [”Le racisme est le fondement même de la démocratie américaine”], par une interrogation paradoxale :

” Est-ce que l’élection du premier président noir va correspondre à un phénomène de régénération de la démocratie américaine (le mythe du système qui rebondit toujours) ou est-ce que ça va correspondre à un phénomène de dislocation de la démocratie américaine ? On ne sait pas encore. “

On ne voit pas bien où serait la dislocation, autrement que financière…

A cette vision apocalyptique de la démocratie américaine, Nicole Bacharan oppose une vision optimiste. L’historienne et politologue nous propose une progression historique, par degrés, qu’elle décrit en bonne pédagogue dans son ouvrage, Les Noirs américains, des champs de coton à la Maison blanche, aux éditions du Panama. Son précédent livre sur cette question, publié en 1994 était épuisé (Histoire des Noirs américains au XXe siècle).

Le livre est divisé en six parties, dont les titres sont dans une progression optimiste :

  1. Esclaves ;
  2. Gens de couleur (le temps de la ségrégation) ;
  3. Negroes (le mouvement des droits civiques) ;
  4. Noirs (Malcom X et le Black Power) ;
  5. Afro-Américains (La longue marche de l’intégration : le busing, l’action affirmative) ;
  6. Américains (vraiment) (les années ” sans couleur ” ; l’Amérique réconciliée ?).

Extraits :

1. Esclaves :

(Après l’abolition de l’esclavage en 1865) “… il fallait, pour s’assurer une main d’oeuvre à bon marché et maintenir dans la soumission une race méprisée [” Maintenir le Noir à sa place “, selon les tenants de la Confédération], inculquer irrévocablement aux Noirs la notion de leur infériorité, et donc interdire toute relation d’égalité entre les races. Par la violence mais aussi par la loi, le Sud imposa alors un système social fondé sur la stricte séparation raciale : la ségrégation. “

2. Gens de couleur (le temps de la ségrégation) :
En 1944, une équipe de chercheurs, dirigée par l’économiste suédois Gunnar Myrdal, avait publié le résultat d’une grande enquête sur le problème noir aux Etats-Unis, An American Dilemna (…) qui étudiait à la loupe le dilemme dans lequel se débattaient les Américains blancs, tiraillés entre leurs principes égalitaires et l’oprression qu’ils imposaient aux descendants d’esclaves. An American Dilemna contribua considérablement à exposer aux yeux du monde les contradictions de la démocratie américaine. “

6. Américains (vraiment) :

Citant le discours de Barack Obama sur la race (Philadelphie, 18 mars 2008), Nicole Bacharan écrit p.480-484 :

” D’emblée, Barack Obama se situait au-delà de la barrière raciale. Il rappelait comment l’héritage de l’esclavage et de la ségrégation avait enfoncé des générations de Noirs dans la pauvreté, et nourri une vision paranoïaque d’une Amérique qui ne voulait pas d’eux. Mais dans le même temps, il reconnaissait la légitimité du ressentiment des Américains blancs, fils d’immigrants partis de rien, à qui l’on demandait de réparer des injustices du passé dont ils n’étaient pas responsables (…)

Oui, l’Amérique, en quelque quarante ans, avait accompli un parcours qui la portait loin en tête devant bien des pays occidentaux, ceux qui, il n’y a pas si longtemps, pointaient encore du doigt son racisme pathologique. L’Amérique clamait solennellement sur les écrans de tous les continents que les Noirs étaient - enfin ! - des Américains comme les autres. (…)

L’égalité raciale, comme la démocratie et la lutte contre la pauvreté restaient des combats, des chantiers en perpétuelle évolution (…) Ce qui était en train demourir doucement, c’était la maladie chronique qui avait rongé pendant des siècles l’esprit de certains Américains, notamment au sud du pays,leur obstination viscérale à considérer les Noirs comme des êtres humains inférieurs à eux, jusqu’à vouloir les asservir, parfois les lyncher. ”


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