Je suis un ecrivain japonais

Par A_girl_from_earth

JE SUIS UN ECRIVAIN JAPONAIS
Présentation de l'éditeur
"C'est un écrivain. Que fait-il ? Surtout rien. Il prend des bains. Il dîne avec M. Mishima. Il fait l'amour avec Midori. Il est célèbre au Japon. La police arrive.
Avec ce livre diaboliquement intelligent, délicieusement sensuel et irrésistiblement humoristique, Dany Laferrière signe avec brio son retour au roman."

L'auteur
Dany Laferrière est né à Port-au-Prince en 1953. Il est l'auteur, chez Grasset, du Goût des jeunes filles et de Vers le Sud, adapté au cinéma par Laurent Cantet.

Comment parler de ce livre...
C'est un roman qui parle de l'idée d'un livre dont n'existe que le titre - ce titre en particulier: "Je suis un écrivain japonais", et dont l'auteur, qui n'a rien de japonais, dit sur son contenu inexistant:
"C'est un Japon inventé qui ne regarde personne d'autre que moi."
Voilà qui donne lieu à un voyage fictif plutôt original à travers Montréal et le Japon, où imaginaire, clichés et réalités se côtoient et se confondent, et où Laferrière imagine ce que ce choix de titre pourrait engendrer comme situations et quiproquos (j'étais pliée en lisant la partie où ce projet de livre fait un tabac au Japon, la façon dont les japonais l'accueillent).
"- Leur slogan, là-bas, c'est: "Un écrivain est un écrivain. Un Japonais est un Japonais." Pour eux ce sont deux droites parallèles.
Parfois complètement loufoque, absurde, décalé, farfelu, à l'image des japonais d'ailleurs, c'est un roman un poil déstabilisant qui m'a donné un peu de mal bizarrement, où je me suis souvent demandée où on allait, car il n'y a pas d'histoire à proprement parler, ou plusieurs, suivant le point de vue, et en fond (ou peut-être en premier plan), une démonstration de quelque chose (et même plusieurs) dont je ne suis pas sûre d'avoir tout saisi.
J'ai toutefois noté des réflexions que j'ai trouvées très pertinentes sur l'identité, le thème de l'étranger, le nationalisme littéraire et le concept d'authenticité, thèmes récurrents ici qui semblent chers à l'auteur.
"Je suis étonné de l'attention qu'on accorde à l'origine de l'écrivain."
"Quand, des années plus tard, je suis devenu moi-même écrivain et qu'on me fit la question: "Etes-vous un écrivain haïtien, caribéen ou francophone?" je répondis que je prenais la nationalité de mon lecteur. Ce qui veut dire que quand un Japonais me lit, je deviens immédiatement un écrivain japonais."
"-Je l'ai fait pour sortir précisément de ça, pour montrer qu'il n'y a pas de frontières... J'en avais marre des nationalismes culturels. Qui peut m'empêcher d'être un écrivain japonais? Personne."
"le problème d'identité de l'étranger c'est qu'on lui refuse le droit d'être autre chose que du folklore."
"C'est ce qui rend les gens suspicieux dans les rapports interraciaux, se demandant si c'est eux ou leur culture qui intéresse l'autre. Les Noirs s'inquiètent de savoir si on les aime ou si on veut épouser une cause. Les riches, si c'est pour leur argent."
"-Je suis heureux que cela vous plaise tant, me dit en souriant M. Mishima. Les autres n'ont rien à voir avec un vrai restaurant de Tokyo.
Voilà une autre chose que je déteste: l'authenticité. Le vrai restaurant. Les vraies gens. Les vraies choses. La vraie vie. Rien de plus faux."

C'est ça que j'aime en fait chez Laferrière, c'est qu'il aborde très précisément des thèmes qui me parlent et je trouve ses remarques souvent judicieuses. C'était déjà le cas avec Pays sans chapeau où j'avais l'impression de me retrouver dans ses réflexions.
Ici en revanche, je suis assez partagée par rapport à certaines idées qu'il véhicule (même si c'est tourné en dérision), notamment concernant le nationalisme culturel et la notion d'authenticité.
 
Autant je trouve ça ridicule de réduire les gens et ce qu'ils sont à leur nationalité (ça me fait penser à un sketch de Gad Elmaleh où il raconte qu'il ne voit pas le rapport quand on lui dit: "T'es marocaaaiiiin? Moi aussi j'adoooore le couscous" - mdr) et j'aime cette idée de citoyenneté mondiale, autant pouvoir se réclamer de n'importe quelle culture que l'on veut, sans connaissance de cette culture, sans attache historique, familiale ou affective, me semble excessif...
De même pour la question d'authenticité, je comprends son point de vue, il n'y a pas qu'une facette à une culture, les cultures se côtoient et évoluent, nous ne vivons pas dans un monde figé, en une dimension, en même temps, c'est indéniable qu'il y a des usurpateurs de culture, et que ça pose un problème s'ils véhiculent une mauvaise ou fausse image de la culture qu'ils prétendent représenter ou faire connaître. C'est bien de savoir si on est dans le vrai, histoire au moins de ne pas croire connaître une culture quand ce n'est pas le cas.