« Parlez-moi de la pluie » : la pluie sur ce paysage montagneux « d’où l’on voit toute la France » et où deux documentaristes plus ou moins amateurs l’ont entraînée pour une interview, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour Agathe Villanova, féministe elle-même novice en politique. Le moment où elle se trouve confrontée à ses potentiels électeurs (les paysans qui l’abritent), forcément insatisfaits, et aux reproches de Karim, l’un des documentaristes (et fils de la cuisinière de la famille d’Agathe) qui la place face à sa bonne conscience d’intellectuelle bourgeoise, faussement généreuse vis-à-vis de Karim et sa mère. Sans compter que son ami l’a quittée, fatigué de ne pas trouver vraiment sa place dans sa vie de femme libre, qu’elle ne partage aucune complicité avec sa sœur qui lui paraît timorée, et qu’en plus elle a pris froid sous les trombes d’eau.
Le vrai sujet de ce film d’Agnès Jaoui est là : comment les autres nous voient-ils ? comment se construit-on sous ces regards plus ou moins bienveillants ? Comme les autres films du tandem Jaoui-Bacri, ce film pose aussi la question des préjugés, pointant la bonne conscience et les œillères de chacun.
Le problème est qu’il le fait au fil d’un scénario un brin décousu, moins mordant que d’habitude, qui dénoue l’intrigue un peu brusquement et (peut-être) un peu trop gentiment.
On y découvre un Djamel Debbouze enfin mûri, dans le rôle assez touchant de ce jeune homme qu’Agathe découvre plus malin et plus lucide qu’elle ne le croyait.
Sa partenaire serveuse campe aussi un personnage mutin et audacieux tout à fait plaisant.
Restent de très élégantes transitions musicales (sur l’air des « Passantes » de Brassens en particulier), des raccourcis efficaces (quelle surprise de découvrir dans l’arrière-cuisine les liens qui unissent le personnage de Bacri et la sœur d’Agathe) et quelques jolies scènes, animalières en particulier, comme lorsqu’Agathe et Michel (Bacri) regardent (dans un état second) le labeur des fourmis (lesquelles ont souvent incarné la vanité de l’activité humaine, mais pas toujours aussi drôlement) ou lorsque Michel se plaint d’avoir « zéro autorité » sur les moutons qui bêlent pendant l’interview (juste avant la pluie, donc).