Souvenir de Palavas-les-flots, ou la plaque d’immatriculation dernier réduit départemental ?
Publié le 01 novembre 2008 par Jean-Paul Chapon
Il y en aura qui choisiront le 13 parce que cela porte bonheur, et d’autres qui le refuseront parce que ça porte malheur, d’autre enfin par nostalgie de la rue Tubano, du Prado ou de la Pointe rouge. Certains choisiront le 69 comme un message à la Gainsbourg, tandis que d’autres y verront un gage de statut social. Les uns se mettront sur leur 31 en écoutant Nougaro, quand d’autres se colleront un 84 dernier hommage à Mireille. Le 22 attirera ceux qui fuient radars et flics, ou les nostalgiques d’Asnières. Certains remplaceront leur 93 par un 75 pour se fondre dans l’intégration anonyme de la ville, tandis que d’autres feront l’inverse, trouvant enfin une aubaine pour marquer sa solidarité avec le neuf-cube sans pour autant être obliger d’y aller.
Désormais, en tout cas à partir de janvier 2009, la présence d’un numéro de département sera obligatoire sur les plaques minéralogiques des véhicules, mais ce numéro sera laissé au libre choix du ou de la propriétaire dudit véhicule. Pour remplir une case sur les plaques minéralogiques ou faire joli, un peu comme les décalcomanies, souvenir de Palavas-les-flots ou du Mont-Saint-Michel, que l’on collait à l’arrière des pare-brise des voitures de mon enfance ? Non, « le propriétaire d’un véhicule pourra faire figurer l’indicatif du département avec lequel il ressent les attaches les plus fortes », explique Gérard Gachet, le porte-parole du ministère de l’Intérieur.
Etait-il utile de faire plancher une ministre et une équipe de fonctionnaires du ministère de l’Intérieur pour arriver à un résultat aussi brillant que grotesque ? Quelle cohérence alors que la disparition du numéro de département des plaques minéralogiques avait été annoncée et surtout quel manque de courage politique de la part du Gouvernement Sarkozy et en premier lieu de la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie face au lobbying du collectif Jamais sans mon département !
Mais cette décision inspirée par la prise « en compte l’attachement exprimé en faveur du département », prend une saveur assez amusante lorsqu’on la met en parallèle avec la mise en place du Comité pour la réforme des collectivités locales confiés par le Président de la République à Edouard Balladur, et à la réflexion qui entoure l’allègement du mille-feuilles administratif français avec en ligne de mire le département. Département dont on a de plus en plus de mal à justifier l’existence lorsque l’on se place dans un contexte urbain et métropolitain, comme à Paris où la ville est découpée en 4 départements pour les moins disant et 8 au maximum, dès que l’on raisonne en terme de Grand-Paris. Et ce n’est pas qu’une question de grandes métropoles. La communauté d’agglomération du Grand Avignon, si elle ne rassemble que 170.000 habitants, est à cheval à la fois sur deux départements et deux régions… Bref, si la présence du « département de cœur » sur la plaque d’immatriculation paraît une victoire aux tenants des départements, elle risque d’être une victoire à la Pyrrhus ; le fait qu’on lui attache autant d’importance qu’aux décalcomanies d’antan me paraît un message plus lourd qu’il en a l’air dans son ridicule de situation, et la plaque d’immatriculation pourrait bien devenir le dernier vestige départemental ;-)
Jean-Paul Chapon
Voir aussi la note Jamais sans mon département publiée au mois d’août 2008
Les photos sont celles de décalcomanies des années 50 en vente sur eBay