Le 18 août, une section de soldats français tombe dans une embuscade des talibans à Uzbeen, dans l'est de l'Afganistan : pour le lieutenant-colonel Olivier Celo, commandant du détachement d'hélicoptères français de Kaboul, commence la nuit la plus longue, "la mission d'une vie".
Dans les heures qui suivent, 8 jeunes fantassins meurent sous les balles des insurgés afghans et un autre par arme blanche, selon les autorités françaises. Un dixième décèdera dans un accident le lendemain.
"Notre soutien a permis aux troupes engagées au sol de renverser la situation initiale, fortement compromise", assure le pilote, interrogé par l'AFP dans le "loft" que le détachement s'est aménagé sur l'aéroport militaire de Kaboul.
"Sans cet apport de munitions, de renforts frais et de renseignements, cela aurait été beaucoup plus dur encore", explique-t-il.
A la suite de l'embuscade, plusieurs articles de presse et témoignages avaient évoqué des erreurs dans la stratégie française et mis en cause la qualité du matériel ou la lenteur des renforts sur place, notamment un compte-rendu d'un officier de l'Otan. Ce dernier avait été jugé "parcellaire" par le ministre français de la Défense Hervé Morin.
A l'époque, la France ne possède que deux hélicoptères sur le théâtre des opérations afghan, des Caracal, appareils véloces et polyvalents, entrés récemment en service dans les armées et les force spéciales.
Lorsque commence l'embuscade, dans l'après-midi du 18 août, ces deux Caracal sont en "alerte pour une éventuelle mission de récupération et d'extraction du président Hamid Karzaï", raconte le lieutenant-colonel Celo.
Le président afghan, l'un des hommes les plus menacés au monde, participe aux cérémonies de la fête nationale. "Quelques semaines plus tôt, des tireurs embusqués au milieu de la foule l'avaient visé", au cours d'un défilé, se souvient l'officier.
Quand la section "Carmin 2" lance son appel à l'aide, le commandement de l'Otan prend la décision de dépêcher des hélicoptères américains depuis Bagram (est) et de maintenir la mission "présidentielle" des Français.
"Le temps d'intervention est le même, 17 minutes, et nous étions les seuls à connaître les procédures de la garde présidentielle rapprochée et à pouvoir extraire le président en cas de coup dur", fait valoir l'officier français.
Mais les Américains dépêchés à Uzbeen ne pourront jamais atterrir, "il y avait trop de ferraille en l'air".
Enfin autorisés à porter secours à leurs compatriotes, les Caracal décollent peu avant 18H00. Ils ne seront désengagés que le lendemain matin à 08H00.
En temps de paix, un engagement de 14 heures d'affilée dérogerait à toutes les règles, mais le lieutenant-colonel Celo se "considère engagé dans une opération de guerre". Impression confirmée dès son arrivée à Uzbeen. "Deux ou trois insurgés étaient embusqués, ils auraient pu nous tirer".
Les commandos prennent cependant possession de la seule zone de "posé" possible. "Les insurgés sont alors à moins de 500 mètres des hélicos".
Pendant cette nuit d'enfer, les deux Caracal multiplient les rotations. Les machines sont ravitaillées rotors tournants tandis que les équipages éclusent des litres de café.
"Nous avons transporté sur place 79 soldats en renfort, sans compter mes dix commandos, mon docteur et mon infirmier ainsi que quatre tonnes de fret dont 3,34 tonnes de munitions", poursuit le lieutenant-colonel Celo.
Les deux Caracal ramènent aussi les blessés -21 militaires français et deux Afghans- et les morts.
"Ce jour-là, on a risqué notre vie. Est-ce qu'on aurait pu perdre un hélico ? Oui, est-ce qu'on en a perdu, non. Est-ce qu'on prend des mesures pour s'en prémunir? Oui. Sont-elles suffisantes pour nous couvrir à tout coup ? Non. Il n'y a pas de risque zéro", ajoute le lieutenant-colonel Celo.
"Les gens au sol ont été remarquables, héroïques et exemplaires, pour nous, c'était la mission d'une vie", conclut-il.