Voici quelques semaines je parlais ici de la venue de l’écrivain américain Richard Ford au Festival America à Vincennes. Il m’avait gentiment dédicacé le dernier ouvrage de sa trilogie “Bascombe” - dont le deuxième épisode avait obtenu le fameux prix Pulitzer -, “L’Etat des lieux” et à 4 jours de cette élection que nous attendons tous, quel meilleur moment pour parler de ce livre ?
Les coïncidences avec le moment actuel sont en effet nombreuses et étonnantes. Le livre se déroule, pendant le weekend de Thanksgiving, durant les quelques semaines qui ont vu l’élection présidentielle américaine de 2000 se suspendre en raison du contentieux électoral entre Bush et Gore sur le vote en Floride (les fameuses 500 voix de la Floride !!).
Deuxième coïncidence étonnante, le livre se déroule dans la période qui suit l’éclatement de la bulle Internet - à partir de mars 2000. J’invite d’ailleurs à se remémorer ce que fut cet épisode que je trouve bien oublié déjà - à l’époque déjà on nous prédisait la fin du monde moderne….
Venons en au livre en tant que tel. Quoique long il se déroule quasiment dans sa totalité sur 2 journées et demi, l’avant veille, la veille et la journée de Thanksgiving. C’est donc une écriture très dense - presque étouffante par moment à tel point chaque détail, chaque sensation sont relatée.
Le narrateur, Frank Bascombe exerce la profession d’agent immobilier - je me rend d’ailleurs compte à quel point il est “malin” de choisir ce vecteur, qui permet de rentrer au cœur d’une société et de l’analyser avec un scalpel, tant “notre maison c’est nous”.
Au fil de ses déplacements - essentiellement professionnels - dans l’état du New Jersey (qui est aussi “le pays” de Bruce Springsteen ) - on découvre les différentes face de cet État et aussi des États Unis. Un espace saturé de lieux de consommation et de marques (on se croirait dans No Logo), de lotissements et de maisons “surdimensionnées ” (300 mètres carrés semblent normaux …). Un espace très riche et bourgeois mais qui concentre aussi ses “pauvres”, employés de maison et autres dans des lieux d’où ils peuvent venir travailler en bus, comme Asbury Parc.
Un espace également incroyablement international - plutôt que multiculturel!! - tous les peuples de la Terre semblent s’être donnés rendez vous là, de l’incroyable petit Tibétain associé de Bascombe, à tous les États d’Afrique et d’Amérique du Sud - immigrants légaux ou illégaux - j’ai lu récemment cette chose incroyable que dans l’etat de New York il y a un salaire minimum légal pour les ouvriers “légaux” et un autre pour les “sans papier”, no comment. Et pourtant un lieu peu multiculturel car le “mode de vie américain” et ses codes (la fierté des USA, le travail, la consommation etc..) semble un ciment absolu.
Enfin (provisoire) un espace très politisé - on est certes encore en fin de campagne électorale - ou nombreux sont ceux qui affichent leur choix politique (y compris par des autocollants sur leurs voitures), et ou chaque personnage est presque immédiatement identifié par son appartenance aux Démocrates ou aux Républicains.
Un livre qui permet je pense de vraiment comprendre ce qu’est l’Amérique d’aujourd’hui avec ses contradictions et ses atouts, passionant en tout cas (et je suis passé sur les aspects psychologiques et les histoires amoureuses, qui sont aussi très riches).
De quoi tenir 4 jours en croisant les doigts jusqu’à la nuit de mardi
David Dornbusch