De l’adorable légèreté des vins naturels

Par Estebe

Bien le bonjour, ça roucoule ?

Les fidèles de ce blog le savent bien, on a un petit faible pour les vins naturels. Petit faible qui tourne d’ailleurs à la monomanie hystérique. Cela dit, voilà un dada qu’on a un peu de mal à faire partager avec nos potes œnophiles. C’est que ces pinards-là, ils ont leurs humeurs. De même qu'un être humain réputé «naturel» peut réjouir, mais aussi désarçonner, voire refroidir, les vins naturels ont la fâcheuse habitude de se montrer instables. Pétaradants de fruit le lundi, ils schmoutent parfois le putois pétomane le mardi. Et même un passage en carafe, doublé d'une oxygénation athlétique, ne suffit pas toujours à les rendre aimables.


Oui, il faut aimer le poker. Un vigneron conventionnel, et donc assez peu porté sur ces breuvages-là, nous avait dit un jour: «quand t’achètes une voiture, si elle marche un jour sur deux, t’as les boules. Le vin, c’est pareil.» Pan, dans le mille. Because, justement, le vin ce n’est pas une mécanique industrielle. En tout cas, ça ne devrait pas l’être. Et c’est parce que la viticulture contemporaine flirte trop souvent avec l’usinage à la chaîne, le calibrage en série, la standardisation technologique, qu’on est tombé dans les bras de ces pifs-là. Chassez le naturel, il revient au goulot.


Tenez, il y a quelques mois, on a suivi des cours de vinification. Conventionnelle, la vinification. C’est tout de même sidérant l’arsenal de produits chimiques et d’interventions brutales que préconise la doctrine officielle pour museler le vin. Pour lui passer l’envie de bouger un orteil. Le pauvre jus de raisin, il sort de là maté. Cassé. Dressé. Soumis. L’œnologie moderne, elle te ravale les maisons de redressement de la IIIe République au rang de colos de vacances hippies. Ça rend les voyous sympathiques, forcément.


On notera au passage que les vins dits naturels ne sont pas tous slurps. Loin s’en faut. Il y a là des jus infects, maigres, indignes et puants. Et que le terme même de naturel cache maintes pratiques différentes. De la prohibition totale des produits chimiques et levures commerciales dans la vigne et le vin à la simple utilisation raisonnée du soufre lors de la vinification. Des vins technos issus de vignes bios aux vins vivants venus de vignes pas si bios que ça. Un vrai boxonou.
Une chose de sûre, les meilleurs producteurs de vin naturel ne sont en rien de doux illuminés à barbe fleurie et à babouches trouées. Discutez donc le bout de gras avec Pierre Overnoy, l’un des pères jurassiens du genre, et vous verrez le puits de science œnologique que cache ce petit bonhomme-là.


Ce long préambule bavard et sentimental pour vous annoncer qu’on est vendredi. Et que le dernier vendredi du mois, c’est un Vendredi du vin. Et que pour cette 19e édition, c’est l'ami Olif qui a décidé du sujet de dissertation.  Soit le vin sans soufre. T’y crois à ça? Ben, cher Olif, du sans soufre, en voilà quelques topettes.


Du pinot noir genevois d’abord, avec les Fenêtres de Gy de Paul-Henri Soler (les plus belles rouflaquettes du vignoble, Paul Henri). Un rouge gourmand et croquant, aux notes d’olive, de baies rouges et d’épices, qui glisse tout seul le long de ta goulette ravie.
Du pinot noir et du melon bourguignons ensuite, avec la cuvée les Champs Cadet du Domaine de la Cadette à Saint-Père-sous Vézelay, dont la chair délicate, fraîche et parfumée exige un brin de patience pour révéler toute son élégance. Classe mais pas fastoche d'accès. On ne se donne pas toujours au premier rendez-vous.
De la syrah rhodanienne enfin, avec ce premier millésime de Saint-Joseph, la cuvée Badel de Fabien Bergeron. Pulpeux, racé et fruité, à se rouler par terre en rigolant.

Tchin populaire!

PS : Vous n’avez pas encore zieuté les émissions de la TSR sur le sujet ? Ben, faudrait peut-être s’y mettre.