Un an tout juste après son entrée effective dans la fonction de secrétaire d’Etat aux sports, Bernard Laporte voit sa notoriété définitivement reconnue avec la publication d’un livre au titre accrocheur :Derrière Laporte. Enquête sur la Face Cachée de l’ami du Président ». Sa mésentente avec Roselyne Bachelot sa ministre de tutelle, la multiplication de ses bourdes, amènent aujourd’hui à s’interroger sur son maintien dans l’équipe gouvernementale.
Ni tout bon, ni tout méchant, Bernard Laporte est surtout un homme aux multiples facettes. Il y a bien un côté attachant, sa faconde roucoulante, son débit verbal de mitrailleuse, sa fraîcheur politique. Bref, un objet politique non identifié comme seule la société civile en recèle, à la limite de la caricature si l’on retient la description d’un article du Point.« Sur les bancs de l’Assemblée, il a l’allure d’un écolier en uniforme un jour de rentrée. Son cartable aux pieds, les jambes coincées sous le pupitre, il écoute sagement les débats, les yeux écarquillés. Mais son sourire malicieux ne trompe pas : l’élève Laporte est un élément perturbateur. Quand la cloche sonne, c’est le premier, à la buvette, à dissiper ses copains parlementaires. Jamais avare d’une bonne blague ou d’une bonne gaffe, le secrétaire d’Etat chargé des Sports amuse ou agace. Alors qu’il fête tout juste sa première année au gouvernement, l’ami du président est plus que jamais sous surveillance. »
Elève dissipé Bernard Laporte ? Pas seulement. Le sens de l’Etat, de la symbolique qui lui est attachée, semble avoir échappé au secrétaire d’Etat notamment ce fameux soir au stade de France où la Marseillaise fût sifflée. Comme ex-entraîneur de l’équipe de France de Rugby, les excès de tribunes ne lui sont pas inconnus. Il aurait pu l’expliquer, tenter de relativiser un incident monté en épingle. Non, Bernard Laporte pris dans le tourbillon de la surenchère gouvernementale a sombré dans des propos de politique de bistrot, proposant de délocaliser en province les rencontres avec les équipes du Maghreb, devant « un public sain ».
Une parole irréfléchie ça peut arriver. Encore faut-il savoir le reconnaître. Pas Bernard Laporte, trop fier pour cela, persuadé que ce serait entamer sa virilité. Le sport selon le secrétaire d’Etat, et c’est bien là le problème, serait un domaine où, parce que c’est du sport, on pourrait se permettre un peu tout et n’importe quoi. La convivialité et la décontraction seraient les deux mamelles du sportif même en responsabilité. Cette appréciation lui est personnelle.
D’autres y voient plutôt humour gras et bourdes.Comme le rappelle les journalistes du Point, la série débute en janvier, à Fort-de-France. Alors qu’un proche d’Aimé Césaire, âgé de 101 ans, rend hommage au poète, il lâche : « Celui-là, il ne jouera pas le prochain Tournoi [des 6 nations]» En avril, il appelle au boycott de la cérémonie d’ouverture, avant d’expliquer qu’il s’agissait d’une « boutade » Plus près de nous le 5 octobre, pour mettre un terme aux rumeurs qui courent, il place en direct à la TV devant la garde des Sceaux: « Je ne suis pas le père de l’enfant que porte Rachida Dati. » L’intéressée a apprécié.
Au-delà de son rôle de boute-en-train du gouvernement, reste la question de savoir si notre Bernard national est un bon ministre. Le courant ne passe pas avec Roselyne Bachelot. Les relations sont tendues. Le travail s’en ressent. Bernard Laporte se déplace beaucoup mais produit peu. Mué en VRP gouvernemental, le secrétaire d’Etat effectue son Tour de France de la jeunesse, remplaçant simplement le plus souvent l’inauguration des chrysanthèmes par celle des équipements sportifs. Passe encore. Si l’ami du Président se fait ainsi plaisir…
Le vrai risque, c’est la confusion des genres. Bernard Laporte l’avait déjà démontré lorsque un mois avant sa prise de fonction, en tant qu’entraîneur, il avait fait lire à ses joueurs la lettre de Guy Môquet. La confusion est moins folklorique en revanche si le strapontin ministériel a pour objectif de servir le business personnel du nouveau promu. C’est en tout cas, ce que laisse à penser le livre de Michel Biet sorti le 23 octobre pour qui « Laporte illustre parfaitement la République des amis, comme Tapie ou Clavier ».
En remontant le fil de la naissance de l’amitié entre le locataire de l’Elysée et le secrétaire d’Etat, des zones d’ombre apparaissent. Le journaliste s’attarde sur ce qu’il appelle la face cachée de l’ancien entraîneur du XV de France. Notamment des relations qu’il lui prête avec la famille Fargette, un clan du Milieu varois. Le livre narre par le détail ses relations avec Jean-Louis Fargette, le boss, qui régnait en maître sur la prostitution dans le quartier toulonnais du “Petit Chicago”. Ce serait avec son frère Robert, dit “P’tit Bert”, que Bernard Laporte aurait entretenu des liens étroits par le biais du rugby. Troublant. Selon l’ouvrage Le 19 octobre 2000, Robert Fargette reçoit 15 balles de 9 mm à la sortie d’un bar. Il se serait caché chez son ami Bernard plusieurs mois.
Toujours selon le journaliste, Bernard Laporte serait également impliqué dans des relations sulfureuses avec des patrons de boite de nuit ou de lieux branchés de la région Toulousaine. A côté du sportif avenant il y aurait l’homme d’affaire coriace et avisé, actionnaire ou propriétaire de casinos, campings, résidences de vacances et restaurants de la capitale au bassin d’Arcachon.
Le maroquin ministériel constituerait la cerise sur le gateau. Le cadeau d’un ami à un autre, la possibilité de se faire, habillé de la respectabilité républicaine, des relations « intéressantes ». La soupe gouvernementale est suffisamment bonne pour que Bernard Laporte ne souhaite pas changer de cantine. “Oui, j’y ai pris goût en allant sur le terrain pendant la campagne des municipales. Faire de la politique, ce n’est pas être nommé, c’est s’engager en allant devant les électeurs. Alors je m’interroge.”
Derrière Laporte. Enquête sur la Face Cachée de l’ami du Président de Michel Biet (Ed. du Moment)
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