Au début des années 1960, une grande fille timide aux longs cheveux raides devient une des idoles de la génération yéyé. Depuis, elle n'est jamais sortie du coeur des Français. Dans ce livre d'une incroyable sincérité, Françoise Hardy décrit l'itinéraire d'une artiste qui n'était pas faite pour les feux de la rampe.
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Confidence d'une fille pas "comme les autres"
Quand avez-vous décidé que le moment était venu de publier vos Mémoires ?
Françoise Hardy : Cela faisait trois ans que Stéphane Barsacq, mon éditeur, me demandait d'écrire une autobiographie. Je voulais d'autant moins en entendre parler que trop de gens le font et que ma vie de personne sauvage, solitaire et introvertie est bien moins intéressante que la leur. Et puis Stéphane m'a fait rencontrer une journaliste qui est venue m'interviewer pour faire un essai. C'est alors que j'ai pris conscience qu'il n'y avait que moi qui pouvais effectuer ce genre de travail. Comme j'avais deux années sabbatiques devant moi, je me suis lancée, sans être sûre d'aboutir, ce pourquoi je n'ai voulu ni avances ni date de remise. Plus qu'une autobiographie, c'est un récit dans lequel j'évoque ce qui m'a le plus marquée et qui me paraissait susceptible d'intéresser, mieux encore, d'émouvoir des lecteurs potentiels.
Vous avez été célèbre presque toute votre vie. Avez-vous éprouvé une impression étrange en évoquant l'époque où vous étiez encore une anonyme, une fille "comme les autres"?
Françoise Hardy : L'anonymat m'est bien plus naturel que la célébrité qui m'a toujours été extérieure, et le premier chapitre dans lequel je parle de mon enfance est celui que j'ai écrit avec le plus de facilité.
On a le sentiment que vous n'étiez pas du tout faite pour devenir une star. Mais votre timidité et votre tempérament mélancolique n'ont-ils pas contribué à forger l'image dont tant d'hommes sont tombés amoureux ?
Françoise Hardy : La timidité et la mélancolie ne suffisent pas, il faut d'autres atouts dont le physique n'est pas le moindre. C'est d'une grande injustice, mais les personnes qui ont du charisme intéressent davantage que celles qui n'en ont aucun, même si elles sont moins intéressantes dans l'absolu.
Avez-vous dû forcer votre pudeur naturelle pour parler des hommes que vous avez aimés, y compris de votre fils ? Ou bien était-ce un moyen de dissiper les contre-vérités propagées par la presse ?
Françoise Hardy : On ne peut pas faire un récit autobiographique sans parler de ce qui a le plus compté dans sa vie. C'est d'ailleurs la raison majeure pour laquelle je ne voulais pas accéder à la demande de mon éditeur. J'ai parlé le moins possible de mon fils. Pour les hommes que j'ai aimés, je tenais à être aussi proche que possible de la vérité de mon vécu et de mon ressenti - qui n'est pas la vérité du leur - , ainsi qu'à livrer mes réflexions à ce sujet. En dehors de mon fils, ma vie personnelle n'a pas été épanouissante et j'espérais – naïvement sans doute – qu'expliquer en quoi mon comportement inadéquat avait induit les attitudes de l'autre qui me faisaient du mal, serait susceptible d'éclairer certaines lectrices éventuelles.
Mais c'était aussi pour moi une motivation puissante d'écrire un récit autobiographique aussi honnête intellectuellement que possible, pour dissiper les contre-vérités propagées par la presse et faire pendant aux biographies non autorisées dont les approximations et les dénaturations me rendent folle, quand bien même ma personne et mon existence ont un intérêt plus que relatif.