S'il y a bien une action qu'il fallait acheter à la mi-octobre c'est du Bretton Woods...
Partout on lisait qu'il nous fallait un "nouveau Bretton Woods". Excellente occasion de se remémorer ce que furent les accords de Bretton Woods...
Il s'agissait d'un système de garantie des taux de change entre monnaies, fondé sur le principe que toute monnaie était convertible en dollars, lequel dollar était convertible en or. Les taux de
change étaient ajustables mais l'essentiel est que Bretton Woods était un système visant à stabiliser les variations de change internationales.
Mais, contrairement à ce que pourraient laisser croire les injonctions à renouveler Bretton Woods, le système s'est arrêté en 1971, lorsque les USA ont refusé de convertir les dollars en
or - formellement, c'est avec les accords de la Jamaïque, en 1976, que Bretton Woods fût enterré. C'est donc depuis 1976 que nous avons besoin d'un nouveau Bretton Woods...
En réalité, ce dont nous avons besoin c'est d'un Bretton Woods différent. Car le système de 1944 était entièrement bénéfique aux américains. Ils bénéficiaient du monopole de l'émission de la
monnaie de référence du système international, et ne se privaient pas de jouer de cet avantage.
Le plan Keynes, rejeté lors de la conférence, était plus ambitieux que ce qui a été adopté. Il proposait de créer une monnaie internationale qui ne soit pas la monnaie d'un état membre : le bancor.
C'est la première différence avec ce qui existe depuis 1944 (même si les droits de tirage spéciaux, peu utilisés, sont une
forme de monnaie internationale qui n'a cours cependant qu'au sein du FMI, et qui reste liée aux quatre principales devises mondiales - dollar, livre, euro et yen.
Ensuite, le plan Keynes n'était pas que monétaire. Keynes avait conçu un système où les états connaissant des excédents commerciaux seraient invités aussi fermement que les états débiteurs à
revenir vers l'équilibre.
En effet, contrairement à ce que ressassent les commentateurs, un excédent commercial est la plupart du temps obtenu au détriment des salariés, dont les salaires sont maintenus artificiellement
trop bas (Allemagne), et/ou dont le pouvoir d'achat en devises étrangères est également maintenu trop bas par une parité de change artificiellement réduite (Chine). Les pays en excédent n'ont donc
rien de "vertueux", ils réussissent juste plus que d'autres à exploiter leurs citoyens, au nom d'un goût de l'épargne, d'un avenir meilleur ou autre tropisme local.
Donc, un nouveau Bretton Woods aujourd'hui devrait :
1. inventer un système de gestion des parités qui ne repose pas sur la prépondérance d'une monnaie particulière mais d'un ensemble large de devises (incluant le franc français, l'euro ayant prouvé
son inutilité), voire de matières premières ;
2. contrôler les excédents tout autant que les déficits commerciaux. Cela peut être l'occasion de glisser des règles sociales, via l'OMC, afin de limiter la concurrence déloyale, qui s'exerce par
la surexploitation des salariés des pays excédentaires. Cela changerait des simples réprimandes adressées aux salariés qui bénéficient de systèmes sociaux plus généreux.
Autrement dire que nous n'y sommes pas tout à fait...
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Je reviendrai sans doute sur ce thème. Juste un point. Certains se réjouissent du rôle stabilisateur de l'euro, en voyant que quelques pays attaqués aujourd'hui seraient fort aise de rejoindre
l'Union monétaire. L'argument me semble de peu de poids.
Pour la France d'une part, malgré les affirmations répétées de ceux qui la voient (la souhaitent) en faillite, je ne crois pas que le Franc français, s'il existait encore aujourd'hui, soit dans des
difficultés de même ampleur que la couronne islandaise.
D'autre part, les sacrifices liés à l'euro (rigidité des taux d'intérêt uniformes pour toute la zone, prime à la lutte contre l'inflation, déresponsabilisation des gouvernements nationaux)
n'étaient souhaitables que si l'Europe avait porté un projet politique international ne reproduisant pas la primauté du dollar (ou de l'euro : je ne souhaite pas plus une Europe impériale qu'un
empire américain.) Or l'Europe ne l'a jamais fait et ne semble pas devoir le faire avant fort longtemps. Inutile donc.