Dans le huis clos d'un collège du XXème arrondissement à Paris, Laurent Cantet a réussi à saisir, des visages, des regards, des moments intenses d'émotions, d'humour aussi, car les élèves sont très drôles, pleins de répartie, leurs répliques fusent avec panache, malgré les maladresses de langage. Sa caméra navigue entre la salle de classe, la salle des profs -où ceux-ci décompressent, vident leur sac et parfois même s'effondrent après des heures de cours où la tension devient insoutenable- et la cour de récré. Une belle tranche de vie où l'ont voit des jeunes français et, en arrière-plan, leurs parents d'origines très diverses dont certains parlent à peine français. Cela donne lieu à des scènes surréalistes où c'est l'enfant qui sert d'intermédiaire et d'interprète entre parents et professeurs. Certains sont sans papiers. Le cas de Qi Fei, élève studieux et intelligent, dont la mère est menacée d'expulsion, est particulièrement émouvant.
Un bon échantillon des adolescents citadins d'aujourd'hui. Moi qui n'ai pas d'ado dans mon entourage proche, cela m'a un peu ouvert les yeux sur leur monde, qui, je l'avoue, m'est un peu étranger. Et je ne les regarderai désormais plus du même oeil...
Je dois dire que j'ai été sidérée par moments par le désordre qui règne dans cette classe. François, le prof donne l'impression de faire rarement cours. A chaque fois qu'il tente de le faire, cela tourne souvent à l'affrontement puis au débat. Confronté en permanence à l'opposition et à la contestation de ses élèves, François semble parfois dépassé par l'énergie débordante qui émane de sa classe. Il m'a semblé qu'il était un peu trop familier, voire laxiste, avec ses élèves, ne prenant à mon avis pas assez de distance vis à vis d'eux. Son rôle s'apparente plus à celui d'un éducateur qu'à celui d'un enseignant. Mais je dois être vieux jeu.
Il y a tout de même une belle note d'espoir vers la fin lorsque chaque élève rend compte de ce qu'il a appris au cours de l'année. On se dit alors que tout n'est pas perdu...La conclusion est toutefois plus amère quand c'est la dernière élève qui s'exprime ou quand il s'agit du cas de Souleymane, un adolescent particulièrement rebelle.
Ce n'est pas seulement un film sur l'enseignement et les énormes difficultés rencontrés par les enseignants. Au passage, je leur tire mon chapeau, je n'aurais jamais pu faire ce métier. C'est aussi un film sur une partie de la société française dont on parle peu -ou mal- et à qui l'on donne peu la parole. Servie par des jeunes acteurs parfaits qui ont tous participé à un atelier de théâtre organisé par le cinéaste, si cette image "arc-en-ciel" de la France peut être parfois inquiétante, elle est le plus souvent réjouissante.
Entre les murs, de Laurent Cantet, avec François Brégaudeau, Nassim Amrabt, Laura Baguela, Frank Keita, Esmeralda Ouertam, Qi Fei Huang...