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image originale : rob sheridan
manipulation : LePhage
Le navigateur de Google arrive à point nommé, alors que Firefox peine à se renouveler. La 3.01, instable, lourde et absolument vide d'innovation laissait un goût amer. Google s'impose une fois de plus en épurant, interface simplifiée, lisible et facile (barre d'adresse égale barre de recherche); gestion des onglets a priori intelligente, dans la séparation des tâches et dans l'ouverture. Bien sûr, les recherches lancées seront enregistrées par Google afin d'optimiser la gestion de la publicité - à moins que vous ne choisissiez par défault un autre moteur de recherche pour la barre d'adresse. Mais on ne pouvait en atteindre moins de Google.
La Firme en question affirme vouloir un navigateur optimisé non seulement pour la consultation de pages web mais pour le fonctionnement d'applications en ligne. Traitement de texte, mails, stockage de données, AJAX, AIR et consort... Le but avoué étant de se passer d'OS d'ici quelques années, pour tout faire tourner en ligne.
Cela pourrait être une bonne idée. Cela en a du moins l'apparence. Tant il est vrai que les systèmes d'exploitation ne sont que des pis-aller de machines trop complexes pour faire tourner par elles-mêmes leurs logiciels ; un frigo ou un micro-onde sont bien plus stables. Pourtant, cela ne laisse pas d'inquiéter. Plus d'OS : une fois encore on simplifie jusqu'à ce moment où plus rien ne reste en notre pouvoir. On évite au peuple de se coller les mains dans le cambouis (encore que les usines à gaz de XP, Vista et Cie soit peu souvent exposées au jour chez le quidam lambda), d'avoir à réfléchir, de posséder les outils de communication du 21e siècle. Ne pas oublier ce qu'il a fallut payer pour développer PGP.
Certes, le logiciel libre pourrait se couler dans cette transformation du Réseau, créer ses propres serveurs dédiés et sécurisés. Il n'empêche, la dématérialisation des OS, des données, du stockage et même du code (le source des applications qu'on nous présente sera-t-il celui qui tourne sur nos machines ?) ne peut qu'être dommageable. Toutes nos données entre les mains d'autrui. Touts notre historique de navigation depuis le premier jour où nous nous sommes servis d'un ordinateur. Le moindre mot qu'un écrivain, un contestataire, un opposant, un fou ou un imbécile tapera sera enregistré à des kilomètres de là, par une autre machine. Ce sera le moment de revenir au papier, - - dont l'écologisme militant nous aura privé sous couvert de protection sylvestre.
Google Chrome est une prémisse dont la conséquence est votre calcul, votre robotisation. Je m'interroge. Une théorie des questions :
Comment des systèmes comme Linux ou BSD survivront-ils dans cet état de chose ? Les OS auront-ils systématiquement un accès internet limité, plus lent, entravé ? Microsoft vendra-t-il en lieu et place de son Windows une licence d'utilisation de serveurs et d'applications en ligne ? Ne posséderons-nous plus que de simples terminaux d'affichage reliés à la Matrice qui comprendra tout, les données, les logiciels, l'information et le traitement ? Est-ce le premier pas avant que le seul ordinateur mondial soit Internet, et les récepteurs nos propres cerveaux, car s'il ne s'agit plus que d'afficher, et non de faire tourner, un simple dispositif d'affichage rétinien, comme on en expérimente pour les aveugles, pourra bien suffire ?
Alors avant de n'être qu'un simple périphérique du Réseau qui vous pense, de n'être que l'ultime écran de data que d'autres écrivent pour vous, avant que l'information ne déserte définitivement les mains du peuple pour se cacher dans les serveurs de quelque géant mondial de la communication; avant que le silicium puis les quanta n'échange avec vous votre nature de sujet contre leur nature de chose; futurs cyborgs de tous les (non-)pays dématérialisés dans la Matrice, avant tout cela, pensez à vous DEBRANCHER.