Voilà un livre qui, à tort, est passé inaperçu dans la rentrée littéraire. Ismail Kadaré, couronné du Man Booker International, et maintes fois nobélisable, est l’auteur d’une quarantaine de romans. Mais peu importe, car si "L’accident" était signé d’un illustre inconnu, il y aurait la même impérieuse nécessité à le lire. En marge d’un procès au tribunal de la Haye, un spécialiste des Balkans et sa maîtresse albanaise sont tués dans un accident de voiture. Vieux réflexes de l’ère soviétique obligent, une enquête est diligentée sur ce couple jugé suspect. En reconstituant leurs dernières semaines de vie, l’enquêteur-narrateur tente de percer le mystère qui unit Rovena et Bessfort. L’aspect policier n’est finalement qu’un prétexte, la solution se cachant dans la nature d’une relation masochiste où chacun reproche à l’autre de l’assujettir. Au point de conduire au meurtre ? Dans son analyse de la tyrannie amoureuse, Kadaré maintient une tension presque insoutenable jusqu’à la chute. Terrible. L’amour n’est-il qu’une construction de l’esprit, où chacun aperçoit ce qu’il a envie de voir ?
Publié dans le magazine Femmes (numéro de novembre 2008)
L’accident d’Ismail Kadaré, traduit par Tedi Papavrami , Fayard, 288 p, 19 euros.