La crise brouille les lignes. Suffisamment pour que surgissent des interrogations sur le positionnement idéologique de nos dirigeants. Le quotidien allemand Die Tageszeitung relate que de l’autre côté du Rhin on suggère que le président français utilise la crise pour mettre en place une sorte de néosocialisme. Une appréciation que réfute l’économiste Elie Cohen qui met sur le compte de la posture politique les discours de Nicolas Sarkozy.
La distance aide parfois à voir plus clair. Le Die Tageszeitung, couramment appelé le taz, est un petit quotidien allemand en nombre de tirage mais qui jouit d’une place particulière en raison de son ton volontairement décalé. Le quotidien, classé à gauche se définit comme « irrévérencieux, commercialement indépendant, intelligent et amusant ». Dernier sujet de ses observations, le président de l’Union Européenne.
Le taz relève l’activisme de Nicolas Sarkozy (injecter 10,5 milliards d’euros dans les six plus grandes banques de son pays, assouplir la taxe professionnelle, intervenir dans les secteurs clés de l’industrie à l’aide d’un fonds “souverain” doté de 175 milliards d’euros) et ne manque pas de le comparer à Angela Merkel, qui « tergiverse et rechigne à prendre des mesures au niveau européen ». Passé ce rapide constat, le Die Tageszeitung pointe l’agitation et la superficialité du président français. Selon le quotidien, Nicolas Sarkozy “donne ces temps-ci l’impression d’être un homme d’action. Fidèle à lui-même, il agit seul et en toute hâte”.
Un style critiquable. Mais, au lieu de vérifier si ces décisions peuvent servir les intérêts de l’économie française, voire européenne, le camp allemand suggère que le président français utilise la crise pour mettre en place une sorte de néosocialisme». Une simple apparence en fait qui ne correspond pas à la réalité car pour le taz, « il est notoire que Sarkozy ne nourrit aucune intention hérétique à l’égard du dogme libéral : ne cherche-t-il pas, par exemple, à accélérer le retrait de l’Etat des hôpitaux et autres services publics ? »
A l’inverse, selon le quotidien, « Le président français n’est pas en quête d’un New Deal ; il sert la concurrence et la maximisation des profits. C’est le capitalisme qu’il veut sauver. Ce faisant, il colle exactement aux souhaits de la majorité des élites européennes. Seuls son style et les mots qu’il emploie sont un peu différents. »
Le quotidien allemand constate cependant qu’en France, où existe une vieille tradition d’interventionnisme étatique, la mise en scène du volontarisme présidentiel, face à une opposition de gauche réduite au silence, suscite l’adhésion des Français.
De son côté, Elie Cohen sur le site internet Télos relève également que Nicolas Sarkozy a réussi à capter l’anticapitalisme ambiant, quitte à asphyxier un petit peu plus le PS. Mais son décryptage des mesures mises en place par Nicolas Sarkozy est sans complaisance. L’économiste juge le plan français moins sévère que son homologue britannique à l’égard des banques dans la mesure où, les conditions attachées à la recapitalisation sont moins exigeantes tant en termes de capital détenu et de présence dans les Conseils que de limitations des rémunérations et des dividendes.
Elie Cohen qualifie surtout « du plus mauvais effet » l’évocation d’un fonds souverain français hébergé par la Caisse des Dépôts et doté de larges ressources pour venir aider en capital les entreprises françaises victimes potentielles de fonds souverains étrangers. « Le détournement du concept de fonds souverain alors que la France n’a pas d’excédents à placer, que son dispositif est protecteur du capital national, que les fonds émergents rapatrient leurs capitaux, relève du stratagème politique plus que de la stratégie de sortie de crise. »
Et de conclure que « Nicolas Sarkozy, en mobilisant la rhétorique anti-capitaliste, fait de la politique intérieure plus qu’il ne contribue à refonder le capitalisme global.»
© Henry Moreigne pour Intalk.fr
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