L’Immatriculée Conception sauve le département

Publié le 29 octobre 2008 par Sylvainrakotoarison

Michèle Alliot-Marie vient de prendre sa décision. Dans deux mois, un nouveau numéro d’immatriculation sera opérationnel. Il sera national… mais donnera malgré tout une indication départementale.
Depuis huit ans, il était question de bouleverser l’une des habitudes les plus ancrées de la vie quotidienne des Français : les plaques d’immatriculation automobile.
Le système actuel existe depuis 1950 et a montré son efficacité.
Composé pour chaque département d’une série de deux ou trois lettres précédée d’une série de quatre ou trois chiffres (trois chiffres pour trois lettres, quatre chiffres pour deux lettres), le numéro d’immatriculation a suscité un intérêt soudain ces derniers mois avec l’adoption définitive d’une nouvelle numérotation.
Le nouveau système (SIV) sera opérationnel le 1er janvier 2009 et concernera l’immatriculation des nouveaux véhicules ainsi que la ré-immatriculation des anciens véhicules à la suite d’un changement de carte grise (déménagement ou vente).
Les autres véhicules auront encore cinq ans pour se conformer aux nouvelles normes.
L’ancien système d’identification
Rappelons d’abord quelques grandes lignes du système actuel.
Un numéro est attribué pour un véhicule donné dans un département donné. Il change donc en cas de changement de département : soit par déménagement du propriétaire, soit par vente du véhicule à un acquéreur domicilié dans un autre département.
Il faut compter environ une immatriculation d’un véhicule neuf pour une re-immatriculation d’un véhicule changeant de département.
La numérotation actuelle a quelques avantages puisque avec les deux ou trois seules lettres, il est assez facile de déterminer la date d’immatriculation (ou de re-immatriculation). C’est en quelques sortes une sorte de "datation implicite" du véhicule.
Mais l’avantage le plus connu, c’est les numéros de département qui sont en terminaison des plaques. Dans certains pays, ce sont des villes, ou des régions, ou des États. En France, ce sont des départements.
Un bon moyen pour connaître les départements, connaître les flux entre départements, et aussi… faire jouer les enfants durant un long trajet.
Ce système n’est absolument pas obsolète.
Le département le plus avancé est Paris qui en est au 29 octobre 2008 à 651 RKG 75 si l’on tient compte des dernières observations d’un site remarquable sur le sujet.
Selon les calculs statistiques de ce même site, pour arriver à 999 ZZZ 75, il faudrait attendre encore plus de quinze ans, ce qui laisserait un peu de temps pour concevoir un nouveau système.
D’autant plus que le département qui suit Paris, les Hauts-de-Seine, n’en est qu’à 348 FTJ 92, ce qui laisserait entendre que la numérotation actuelle pourrait encore durer près d’une demi-siècle si, entre temps, une numérotation adaptée à Paris était conçue.
Harmonisation européenne
En fait, la décision d’un nouveau système aurait été prise pour se mettre en conformité avec les normes européennes. Ce qui n’est pas vraiment le cas, mais il est vrai que l’harmonisation des cartes grises nécessitait quelques changements dans les fichiers et le Ministère de l’Intérieur en a profité pour modifier également la numérotation.
Le principal avantage du changement, c’est que le numéro sera désormais attribué à vie au véhicule. C’est-à-dire que ce sera fini de changer de plaques d’immatriculation quand on change de département.
La modification de la carte grise pour indiquer le nouveau domicile se fera alors par Internet avec un retour par courrier recommandé pour accoler sa nouvelle adresse sur la carte grise. Une simplification administrative appréciable quand on sait le temps perdu dans les préfectures pour ce genre de démarche ordinaire.
Car justement, l’intérêt, c’est que ce numéro ne sera plus départemental, mais national.
Aspérités du système départemental
Notons au passage une grande disparité dans la mise en pratique de l’ancien système en fonction des préfectures départementales.
Dans certaines, certains numéros ont été proscrits, notamment certains regroupements de lettres inadéquats comme PD, WC, SS (le SS est le plus généralement retiré, mais beaucoup de départements ont gardé les PD et les WC). AZF a été supprimé en Haute-Garonne ; ce groupement de lettres aurait été atteint après la catastrophe du 21 septembre 2001 (en février 2003).
Mais d’autres disparités ont été signalées : la suppression du U plus ou moins tardive, le passage de trois à quatre chiffres avec un groupement de deux lettres (ce qui fait qu’un département très peuplé comme la Gironde n’en est qu’à 2851 VK 33 alors qu’un autre, nettement moins peuplé, comme la Marne, en est déjà à 96 AYN 51).
Et enfin, sans doute source d’inégalités devant les citoyens, certaines préfectures acceptaient des "réservations" pour des propriétaires qui désiraient obtenir un numéro particulier proche (année de naissance etc.) alors que d’autres le refusaient obstinément au nom du principe d’égalité ou du principe de tranquillité (un refus de réservation étant plus facile à gérer, techniquement et humainement).

Le nouveau système délivra le numéro au niveau national, donc il sera bien difficile désormais de faire des réservations localement.
Peu de changements pour les plaques elles-mêmes
Le nouveau système entend conserver le réseau existant de fabrique de plaques d’immatriculation qui est un réseau privé généralement associé à la cordonnerie et à la reproduction de clefs ou associé à un garage automobile, même si ceux-ci semblent favorisés puisque les plaques seront désormais "traçable" dès la vente du véhicule neuf.
Pour les mêmes raisons, la réglementation sur des plaques ne doit pas changer (excepté la couleur) sinon, cela aurait nécessité des investissements importants pour les fabricants concernés.
C’est pourquoi une série de sept caractères a été adoptée : deux lettres, trois chiffres et deux lettres. Le même système qu’en Italie et dans d’autres pays européens, sauf qu’en Italie, il n’y a pas les traits d’union pour séparer les trois groupements.
Les incrémentations se feront d’abord avec les chiffres, puis le groupe de lettres de droite, puis celui de gauche pour atteindre ZZ – 999 – ZZ, soit plus de 250 millions de combinaisons possibles, soit près de 21 fois plus de possibilités que dans le précédent système (certains disent que le nouveau système pourra ainsi durer quatre-vingts ans, mais ce sont des estimations très grossières car cela dépend entre autres du nombre de véhicules vendus d'ici... plus de trois quarts de siècle !).
La couleur des plaques avait déjà été changée au début des années 1990 pour les rendre plus lisibles : la France (habituée aux plaques noires) se mettait à l’heure européenne avec des plaques blanches à l’avant et jaunes à l’arrière.

Désormais, elles devront être toutes les deux blanches (c’était déjà toléré depuis mai 2007) afin de les rendre plus lisibles aux témoins… ou aux radars.

Origine géographique des véhicules
Le logo de l’appartenance à la France et à l’Union Européenne reste présent à gauche du numéro de la plaque… mais le vrai point d’achoppement de la réforme fut la fin du fameux numéro de département.
Initialement, le projet prévoyait de laisser la possibilité de mettre un numéro de département et un logo de région aux propriétaires qui le désiraient.
Mais un collectif réussissant au final 221 députés relayés par des électeurs inquiets ont commencé à protester (tardivement) contre cette disparition de l’origine du véhicule.
Une origine assez factice puisqu’il est désormais très courant, avec la mobilité géographique due à l’emploi ou à la famille, que le propriétaire change plusieurs fois de département au cours de l’existence de son véhicule.
Cependant, la Ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie a pris sa décision ce 28 octobre 2008 : l'affichage du numéro du département sera finalement obligatoire.
Mais pour éviter tout ostracisme (on se doute qu’un véhicule immatriculé 93 donne une autre connotation qu’immatriculé 75), le choix du département sera fait par le propriétaire lui-même indépendamment de sa domiciliation.
Cette mesure aura au moins un avantage : celui de déterminer les départements les plus revendiqués par les conducteurs automobiles.
Une mesure très politique
L’obligation de l’indication du numéro du département n’est pas forcément pertinente d’un point de vue pratique : le passage de sept à neuf caractères rendra plus difficile la mémorisation d’un numéro en cas de besoin (le deux derniers chiffres n’ayant aucune valeur d’identification).
Mais elle semblait politiquement nécessaire.
D’une part, pour rassurer les Français (qui, selon plusieurs sondages réalisés avant l’été, se déclaraient favorables à plus des deux tiers au maintien de l’origine départementale) et d’autre part, pour rassurer tous les élus locaux dont les rumeurs de suppression des départements se font de plus en plus vives actuellement.
Une suppression des départements qui poserait aujourd’hui beaucoup de problèmes pratiques car le territoire français est essentiellement géré en fonction des départements (beaucoup plus qu’en fonction des régions).
Mais une suppression qui, d’un point de vue rationnel, serait inéluctable tant les couches et sous-couches administratives sont trop nombreuses en France : commune, intercommunalité, département, région, État, Europe…
Et on espère que les 221 députés du collectif planchent maintenant avec la même énergie sur des sujets… un tantinet plus importants pour leurs concitoyens.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 octobre 2008)
Pour aller plus loin :
Le site francophone des plaques d’immatriculations (dans le monde).
Décision de la Ministre de l’Intérieur du 28 octobre 2008.
Quelques dépêches sur les plaques d’immatriculations.
Arrêté du 27 avril 2007 sur la couleur de la plaque arrière.


http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=46513
http://fr.news.yahoo.com/13/20081030/tot-l-immatriculee-conception-sauve-le-d-89f340e.html
http://www.lepost.fr/article/2008/10/30/1302066_l-immatriculee-conception-sauve-le-departement.html

http://www.kydiz.com/article/1901-L-Immatriculee-Conception-sauve-le-departement.htm