Voilà sans doute pourquoi, les « décroissants » nous invitent à retrouver la « bonne vie » au sens où Aristote la définissait, à stopper la fuite en avant sans mesurer les impacts de nos actes. Bref, à passer de la société de l’avoir à celle de l’être. Là, comment ne pas se retrouver dans cet appel qui parle naturellement aux amoureux de la terre ?
Au-delà du développement durable, frein nécessaire mais pas décisif, c’est bien un changement de cap des comportements et modes de vie et de production qui doit être envisagé. L’envie de protéger l’environnement écologique suppose ainsi de revoir les valeurs sur lesquelles se fondent une partie de nos habitudes économiques.
Le Grenelle de l’Environnement : une goutte d’eau dans l’océan des révolutions à mener
Voilà pourquoi, à l’heure du « tout écologique », il convient de penser une écologie libérée des excès des marchés, de relire Serge Latouche et de répondre clairement à une question : le « Grenelle de l’environnement » est-il compatible avec la relance de la croissance qui fait suite à la crise dites « des subprimes » ? Au mieux, il n’est à peine que le premier pas du chemin à parcourir.
Pourquoi ne pas d’imaginer une évolution, soit une « alter croissance », soit la décroissance pour aller au bout d’une écologie politique ? Cette voie n’est pas simple à suivre pour l’ensemble de la classe politique. A la droite, elle impose de revoir le dogme de la croissance et à la gauche de repenser son idéologie du progrès.
Plus sérieusement, on en arrive donc à s’interroger autant sur le sens de l’Histoire, sur l’hégémonie de « l’économisme intégral » et d’appeler de nos vœux ce que Serge Latouche nomme une « pédagogie des catastrophes ».
Encore faut-il savoir si celle-ci serait efficace ? On évoque aujourd’hui la hausse du coût des matières premières, la montée des eaux, le réchauffement climatique. On voit autour de nous des maladies apparaître, des cancers toucher une partie de la population de plus en plus jeune. On imagine se dessiner demain des guerres pour l’eau, le tout en se souvenant, affolés, que seuls 2 % de l’eau présente sur terre est potable. Et pourtant, on continue de croire ou de faire comme si la planète était une corne d’abondance sans mesurer une seule seconde les conséquences qu’impliquent de notre surconsommation.
« Positive attitude ou pédagogie des catastrophes »
On peut, face à cela, adopter une « positive attitude », continuer en pensant pour les uns que l’homme, pour les autres que Dieu (quelque soit son nom) trouveront une solution. Maintenant, il y a peut-être lieu de se dire qu’il convient d’agir. Ici et maintenant !
Alors certes, la décroissance ou cette alter croissance reste à définir. Elle peut même aboutir à un libéralisme revu et corrigé, cela, à la condition d’intégrer dès aujourd’hui des passages fondamentaux comme la relocalisation de l’économie, le retour de l’autosuffisance, la suppression des produits jetables, la réduction des emballages, la lutte contre le gaspillage, l’intensification de recyclage, la dynamisation d’une agriculture de proximité, et enfin une véritable démocratie directe apte à responsabiliser le corps social.
A la lecture du Petit traité de la décroissance sereine de Serge Latouche, ou de Demain la Décroissance, d’Alain de Benoist, on comprend ainsi lentement que cette responsabilisation est vitale, et qu’elle marque aussi le passage de l’individualisme à l’autonomie et à la subsidiarité.
On nous répondra que c’est un « retour en arrière ». Il faudra simplement expliquer que c’est surtout une autre voie, une recherche d’équilibre et une réécriture des rapports de l’homme et de la nature.
Du courage, économique, écologique, politique …
A la manière d’un Francis Bacon qui nous apprit que l’on ne commandait à la nature qu’en lui obéissant, l’homme doit réapprendre que la nature n’est pas inépuisable et que l’exploitation de ce patrimoine, sur lequel nous asseyons notre existence pourrait précipiter notre chute.
Voilà pourquoi, il convient peut-être aujourd’hui, par delà les clivages politiciens, d’oser penser une critique de la modernité, mais aussi dans l’absolue des idéologies qui ont gouverné le monde croissant, la décroissance est une voie à étudier. Lorsqu’approchent les murs qui ferment les impasses, l’urgence de dessiner d’autres voies est incontournable.
A l’échelle des collectivités locales alsaciennes, cela passe par l’analyse claire du théâtre des opérations, par l’intégration des impératifs environnementaux et la prise de mesure courageuse, donc impopulaires si elles ne s’accompagnent pas de pédagogie et de vérité.