Vous savez pas ce que vous loupez

Publié le 29 octobre 2008 par Francisbf

Ha ! Fugitivité déliquescente du temps qui passe, fulgurance de l'existence, que n'ai-je su préjuger de tes méfaits ? Je glisse sur la pente de ma destinée, tente désespérément de m'accrocher aux touffes d'herbe de mes souvenirs, de mon passé, mais elles déchirent les doigts de mes neurones de leurs lames d'obsolescence, et je ne sais plus rien.

La mémoire de ma jeunesse n'est plus, et c'est un désespoir glauque qui m'envahit, comprimant mon coeur dans un étau de fer, et je hoquette, je tousse, j'expectore la bile âcre de l'amnésie.

Ca fait mal.

Tout ça pour dire que je ne sais plus pourquoi je voulais faire un article. C'est dommage, parce qu'à tous les coups, c'était pour tenir des propos d'une pertinence rare sur un sujet actuel et brûlant, que j'aurais traité avec humour et justesse comme moi seul sais le faire. Du coup, j'aurais été repéré par un blogueur influent, qui m'aurait dit d'un ton condescendant « Bravo, petit ». Mais je n'aurais pas pris la grosse tête, et j'aurais continué à faire éclater à la face du monde un talent à nul autre pareil, mes stats auraient grimpé sans que j'aie besoin de faire appel à des stratagèmes honteux tels que mettre des mots-clés tendancieux du genre « Valérie Damidot à poil » ou « pratiques scatophiles du clergé bas-breton », c'est pas mon style.

Du coup, mon blog-rank aurait grimpé comme le facteur sur ta mère (haha, je déconne, je respecte grave ta mère, tu le sais bien), et mes comms auraient dépassé ceux de Morandini, qui serait venu me menacer avec ses chiens de garde ninjas, mais je me serais pas laissé démonter, je lui aurais dit « Jean-Marc, maintenant, tu dégages de mon perron (avec toute ma pub, j'aurais pu m'acheter un perron), ou je fais un article plein d'humour référencé sur toi, et tu t'en relèveras pas », son visage aurait blanchi, il aurait serré les poings, pincé les lèvres, et il aurait claqué des doigts et tourné les talons en disant « Tu le regretteras, Francis. Tu t'attaques à un poisson un peu gros pour toi », et je lui aurais lancé une pique mordante, ses oreilles auraient rougi de honte et de colère, mais il aurait été bien mouché et aucune répartie ne lui serait venue. Bien sûr, il n'aurait pas mis pas ses menaces à exécution, et intérieurement je l'aurais traité de lopette, mais comme je suis quelqu'un plein de mansuétude, je n'aurais pas parlé de cet incident, ou alors par allusions.

Puis un beau jour de printemps, alors que glapiraient les hirondelles sur ma gouttière et que les cumulus s'étireraient dans un ciel lavé par une giboulée tardive, j'aurais reçu un coup de fil du directeur d'un journal à forte diffusion, genre Closer, et il m'aurait dit « Ma qué, yé souis votré trabaille dépouis plousieurs sémaines, y'aime beaucoup cé qué vous faites, votré ploume est acérée telle la faux dé l'Ankou, yé vous veux », et comme j'aime pas trop les ritals, j'aurais dit non, puis il m'aurait proposé un chèque avec autant de zéros qu'il y en a eu dans le lit de ta mère (haha, je déconne, je respecte grave ta mère, tu le sais bien), mais on n'achète pas mon intégrité comme ça, que je lui aurais dit, retourne à tes pizzas, ce sera l'Equipe ou rien, et il serait parti en jurant en italien, et en fait ç'aurait pas été l'Equipe parce que leur proposition aurait quand même été un peu naze par rapport à mon talent, mais ç'aurait été Paris-Match, dont la rédac'chef aurait été prête à tout pour s'offrir mes services, et malgré sa trentaine avancée elle aurait été encore accorte et [passons sous silence des pratiques réprouvées par la morale publique].

Enfin se seraient ouverts à moi les salons huppés de l'intelligentsia parisienne, les gang-bangs avec BHL et Houellebecq, les petites culottes tomberaient d'elles-mêmes sur mon passage, je me paierais une liposuccion et un lifting, je me nourrirais de sushis bio, la coke coulerait à flots, bref, la reconnaissance était au bout du chemin de cette note.

Putain de merde. J'étais si près.

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