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Après avoir fait souffler le vent, le chaud et le froid dans la soufflerie climatique Jules Verne, après avoir modélisé toutes sortes de phénomènes physiques dans sa salle immersive Le Corbusier, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) s’affirme une nouvelle fois comme un acteur à la pointe de la recherche et du développement en matière de bâtiment et de cadre urbain. Aquasim, centre d’études et d’essai sur le cycle de l’eau, ouvrira ses portes en décembre 2009. La première pierre a été posée le 24 octobre 2008.Reproduire le cycle complet de l’eau, depuis sa collecte, un jour de pluie, jusqu’à son rejet à l’égout en passant par sa circulation dans des circuits de plomberie, son traitement et pourquoi pas sa récupération totale : tel est l’objectif de cet équipement unique. Jean-Michel Axès, directeur du CSTB de Nantes, explique : "La gestion environnementale de l’eau, à l’échelle du bâtiment et de sa parcelle est méconnue. D’un point de vue scientifique, c’est un maillon manquant de la chaîne. Aquasim vient très opportunément combler cette inconnue." À l’heure de la prise de conscience collective des enjeux liés au changement climatique et à la dégradation qualitative et quantitative des ressources en eau, l’approvisionnement en eau potable apparaît comme un nouveau défi. Et si des solutions alternatives existaient ? Et si l'on pouvait optimiser les ressources naturelles d’eau douce ? Utiliser les eaux pluviales, réutiliser les eaux usées ? Et au passage, valoriser les déchets ? Autant de questions auxquelles non seulement les scientifiques, mais aussi les collectivités locales, les syndicats de production et de traitement des eaux, les grands opérateurs et concessionnaires de réseaux, les industriels, les organismes de santé publique, les acteurs du logement, etc. aimeraient pouvoir répondre. Les recherches et les tests, faits à l’échelle 1 dans Aquasim, s’ordonneront autour de deux grandes thématiques : celle du bâtiment et celle de la parcelle. À l’échelle du bâtiment, on s’interrogera sur les réseaux intérieurs et la qualité de l’eau qui y circule ; sur la récupération et l’utilisation des eaux pluviales ou encore sur le recyclage des eaux usées et des déchets, telles les feuilles récupérées sur les toitures. À l’échelle de la parcelle, autres axes de recherche : on testera le comportement des systèmes d’évacuation par temps de pluie et la "réponse" de la parcelle face à tel ou tel événement climatique (sécheresse, très grosses intempéries) ou encore, on intégrera les impacts environnementaux des rejets. Dans un cas comme dans l’autre, les mesures se feront grandeur nature, grâce à un ensemble de capteurs répartis sur les circuits intérieurs et extérieurs d’Aquasim et renvoyant les données à un centre de pilotage. En d’autres termes, le process sera entièrement automatisé, informatisé et piloté par un système numérique de commande et de contrôle. Il a été techniquement conçu et mis en place de telle sorte qu’il soit évolutif, c’est-à-dire susceptible de s’adapter à des problématiques encore inconnues… À équipement scientifique novateur, approches et investigations novatrices. Aquasim s’inscrit clairement, à l’échelle européenne, comme un composant fort de la plate-forme technique de l’eau. Au-delà des partenariats financiers et industriels, la part belle sera donc faite aux partenariats scientifiques : laboratoires, réseaux nationaux et internationaux et, parce qu’Aquasim ne veut pas se limiter aux acteurs "classiques" de l’eau, à toute autre communauté scientifique et technique. Côté architecture, avec une façade imposante mais à nulle autre pareille , Aquasim cache bien son jeu. Première découverte : celle de deux pans de verre intégrés à chacun des côtés du bâtiment. Façade incontournable s’il en est, une réussite : ici, l’architecte s’amuse des contraintes techniques, casse la masse rectangulaire du bâti et développe un volume ludique, aéré, ouvert, créant deux ailes reliant l’acrotère au sol, façon toboggan. Autre façade, autre liberté prise avec la fonction même d’Aquasim : un pan de mur vitré laisse deviner des dizaines de mètres de tuyaux, mis à nu de façon inattendue. Bienvenue au coeur du process ! L’entrée principale, qui donne sur d’autres bâtiments, notamment l’accueil du CSTB de Nantes, est sans doute plus classique, mais appelle la lumière grâce à sa haute baie vitrée. Elle offre aussi un peu de légèreté au visiteur avec un point de vue sur tout le rez-de-chaussée, traité en retrait comme un sous-bassement sombre. Enfin, dernière ligne droite, celle d’une façade dont les vis-à-vis directs (ateliers, laboratoire de chimie…) induisent un traitement autre : escalier extérieur et mur végétal pour compenser l’environnement industriel. " Aquasim rappelle en vertical, commente Denis Cammas, architecte, gérant du cabinet ARCH-IC, le volume d’un bateau - traitement de l’eau oblige ! Le niveau 0 comme ligne de flottaison, les niveaux 1 et 2 comme ponts inférieurs et le dernier étage, celui des bureaux et des salles de réunion, comme un pont supérieur de paquebot avec ses jeux de coursives, ses terrasses et son architecture en retrait. Ce qui est sûr, aussi, c’est que plus jamais je n’aurai l’occasion de retravailler sur un tel bâtiment : par essence, c’est un bâtiment unique !"