Dashing through the snow in a one-horse open sleigh

La ruelle des Trois Huches permet de marcher sur un pavé inégal et piéton, d’avancer du bout des orteils sur la neige oubliée des pelles – il n’y a pas de commerçants pour s’acquitter de la corvée– et de froncer les sourcils sous le froid amplifié par les vieilles maisons humides dans ce passage étroit qui ne chauffe pas assez vite – arrivé à dix-sept heures la nuit tombe et fait blanchir les flocons. Il y a un petit salon de thé porte étroite et rideaux épais inconnu des deux ou trois promeneurs emmitouflés qui le dépassent. Une silhouette courbée sous une pèlerine, essoufflée rougie sur le haut des oreilles, les pommettes et le bout du nez s’y engouffre et cligne des yeux malgré la pâleur des lampes. Dehors les ponts gelés offrent un miroir tendu à une même lune depuis quelques semaines vers les dix heures. Dans cette ville du sud entre Bassefonte et Comtéchrist les gens sortent en foule. L’été par habitude il y fait chaud avec des journées longues et des amis dits proches ne connaissent que leurs terrasses respectives. Entrer dans les maisons est l’apanage des femmes qui discutent dans la cuisine ou soulagent des humeurs dont leurs frères ou maris se débarrassent au jardin. Cet hiver on est dehors parce que la neige n’existait pas avant ailleurs qu’à la télévision dans les reportages sur les régions montagneuses sauf cette année où elle tombe si dru sur les vestes trop légères et les pneus glissants. Il n’y a pas de vin chaud à la cannelle dans les bars, les guirlandes sont chiches les commerçants ne savaient pas et s’inquiètent du chiffre d’affaires qu’ils pourraient perdre cette année de n’avoir pas budgétisé des vitrines de Noël plus conséquentes.

Le thé brûle une langue à l’accent d’ailleurs, la patronne du petit salon s’en rend compte au « merci » du rendu monnaie. Quand la forme sous le manteau ressort encadrée par les forces de l’ordre, la porte du commerce claque et fait tomber le givre poudreux sous lequel était écrit : « Entrée interdite aux loutres, aux étrangers et aux sellettes peintes en blanc. »

Dessin de Maud, etc.