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Jour 215 : CHROMATICS, Night Drive (2007)

Publié le 29 octobre 2008 par Oagd
Retour sur un disque déjà beaucoup chroniqué, mais dont l'écoute    en CD (au lieu du mp3) révèle une étrange dimension métaphysique...       Visuel : Franck Chambrun    Texte : Sylvain   Je vois deux critères pour évaluer un disque d'electro-pop : la présence mélodique ; une certaine rigueur conceptuelle. Un peu plus de l'une autorisant un peu moins de l'autre, la jauge se déplace des Pet Shop Boys (pour l'inspiration sensuelle, la puissance des couleurs, la profondeur des espaces créés) à New Order (le tout-cérébral, la barbarie sophistiquée, l'écriture blanche). Mais je comprends qu'on refuse ces critères, préférant juger de la seule capacité du son à envelopper le corps - le traverser au besoin - en lais- sant flotter l'esprit. Dans sa version mp3, Night Drive semble promettre cela pour le jour où l'on se procurera le support physique : une sorte de bain amniotique. Au cours d'un trajet nocturne, le son montera parfait depuis les portières ; l'espace clos de l'habitacle glissera sans heurt dans le décor réveillé par nos feux ; le son, primant sur l'écriture, fera cocon. A écouter cependant en CD le troisième album de Chromatics, force est de constater que le bien-être annoncé, toujours absent, ne devait pas figurer à son programme. Quoi alors ? Rien, peut-être. Si : un assez savant jeu de volumes. Le disque semble trouver son langage dans le calcul même des proportions. La réduction de l'espace, au principe du mp3, rendait toute l'architecture illisible. Or un bâtiment n'a pas à être « beau » dans l'intégralité de ses parties ; il a des surfaces déjà vues. Suivant la piste architecturale, je me suis aperçu que l'album perdait (encore) toute signification si l'on changeait l'ordre des pistes. Le Night Drive part de la non-vie (brève transaction amoureuse au téléphone, voix dans un halo numérique, « I love you » mécanique de fin d'appel) pour s'achever par une non-mort : trois minutes de craquements en boucle d'un disque vinyle parvenu à son terme, mais n'en continuant pas moins de produire cette nuit tiquetée d'étoiles. Entre ces deux pôles extrêmes du faux, Chromatics s'interroge : quoi de vrai à vivre ? Plusieurs hypothèses sont examinées, du pacte avec Dieu (le Running Up That Hill de Kate Bush, dont le titre de travail était A Deal With God) au bonheur existentialiste : il y a une période du disque où le trio américain trouve son plaisir à alterner les effets de mixage et l'absence d'effet au contraire, phrase par phrase (un coup d'écho, un coup de présence réelle), sur la voix de la chanteuse. Et comme Ruth Radelet continue de tout débiter d'un ton égal sans paraître s'apercevoir de cette alternance sonore pratiquée sur sa voix, il se passe ceci d'extraordinaire, que la répétition et le changement se superposent au lieu de se relayer, comme c'est le cas, par simple nécessité physique, d'habitude. L'usage des machines triomphe un temps de la Loi. Puis le groupe réussit un grand coup, équivalent à celui de Monte Hellman terminant Macadam à deux voies par la combustion de l'image, dont on ignore si elle dit la mort du héros au volant, ou l'éternité irreprésentable de son mouvement. La guitare, instrument dont joue le compositeur principal de Chromatics, Adam Miller, disparaît. Les plages s'allongent. Les boucles mélodiques se mettent à évoquer Kraftwerk, origine de toute musique electro. Le trajet devient celui du saumon retournant à la source du temps, y confondre sa naissance et sa mort. Quoi de vrai à vivre ? Mourir lentement, autant que possible.

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