Mardi, à Rethel dans les Ardennes, Nicolas Sarkozy a dévoilé son plan emploi. Après la crise financière, puis la récession, voici peut être le temps de parler social. Le silence présidentiel, et gouvernemental, sur le sujet depuis deux mois est assourdissant. Comme souvent, la crise mondiale a bon dos pour justifier davantage de "casse" sociale.
En décembre 2006, le discours des Ardennes
Le 18 décembre à Charleville-Mézières, Nicolas Sarkozy avait prononcé l'un de ses discours fondateurs sur le travail, après celui d'Agen quelques 6 mois plus tôt. "Nous allons faire revivre l'espoir" clamait-il. "Je propose que celui qui veut travailler plus pour gagner davantage ait le droit de le faire parce qu’il ne sert à rien d’avoir plus de temps libre quand on n’arrive plus à boucler ses fins de mois.""Pour supprimer un frein à l'embauche et pour diminuer la précarité, je propose qu’on protège moins les emplois et davantage les personnes, grâce à la création d’un contrat de travail unique, à durée indéterminée, à droits progressifs, plus souple en matière de licenciement économique, et d’une sécurité sociale professionnelle qui sécurise mieux les parcours individuels. "Les mesures sociales de cette rentrée paraissent dérisoires par rapport à l'ampleur du problème (vote du RSA, ou l'allègement du malus auto pour la familles nombreuses).
(...)"L’assistance est une atteinte à la dignité de la personne. Elle l’enferme dans une situation de dépendance. Elle ne donne pas assez pour une existence heureuse et trop pour inciter à l’effort. L’assistance est un piège pour les plus démunis, l’une des causes de la dévalorisation du travail et de la démoralisation de ceux qui se lèvent tôt et qui travaillent dur. Je propose qu’un revenu d’assistance soit toujours assorti d’une activité d’intérêt général de sorte que chacun donne un peu en contrepartie de ce qu’il reçoit. Je propose que l’allocation chômage ne puisse pas être inférieure au salaire minimum mais que nul ne puisse refuser plus de 3 offres d’emploi correspondant à ses compétences. Je veux une politique économique qui ait réellement le plein emploi comme priorité."
(...)"Je vous propose une politique de hausse du pouvoir d’achat."
Autojustification ?
Mardi à Rethel, Sarkozy a commencé par justifier son action auprès du secteur bancaire et financier ce dernières semaines. "L'argent des banques, c'est le vôtre !" Il s'est ensuite essayé à défendre son bilan, en déclarant, sans rire, que la France était mieux armée pour affronter la crise grâce aux réformes accomplies depuis un an, et notamment trois d'entre elles : primo, la précarisation des seniors de plus de 55 ans, ou l'abandon des pré-retraites ("on a enfin libéré le travail des seniors"). Secundo, la suppression des 35 heures et l'organisation libre du temps de travail dans les entreprises; tertio, le Revenu de Solidarité Active. Le président a occulté un point central: la France aimerait travailler plus mais ... les emplois ne sont pas là ! Pour mémoire, au mois d'août, le chômage s'élèvait à 8% de la population active (statistiques officielles), contre 7,5% en moyenne dans la zone euro. La France est au 25ème rang des 27 Etats membres de l'Union Européenne.
Flexisécurité ?
Ce concept - faciliter la mobilité en renforçant les filets de protection- a ses partisans à droite comme à gauche. Mais il ne désigne cependant pas la même chose. En avril dernier, le gouvernement avait ainsi fait voter "son" projet de loi sur la flexisécurité. Ce dernier assouplissait les conditions de rupture du contrat de travail sans prévoir de disposition sur la formation ou la sécurité renforcée des chômeurs. Au contraire, le gouvernement a fait voter quelques mois plus tard son projet de sanction contre les chômeurs refusant "deux offres raisonnables d'emploi."
La loi prévoit la possibilité de rompre un contrat de travail à l'amiable, abroge le Contrat nouvelles embauches (CNE) et rappelle que le CDI est la forme «normale et générale» de la relation du travail. Cependant, il allonge la période d'essai jusqu'à quatre mois pour les cadres et, selon l'article 4, tout licenciement devra être justifié. Le texte prévoit également, à titre expérimental, un nouveau type de contrat de mission de 18 à 36 mois réservée aux cadres et ingénieurs. les députés Verts et communistes ont regretté que les volets formation professionnelle et indemnisation n'aient pas été étudiés (source Sarkofrance).Mardi, Sarkozy a finalement annoncé la «simplification du contrat de transition professionnelle» et son extension à davantage de zones sinistrées. Ce dernier est aujourd'hui limité à quelques bassins d'emploi sinistré. Il garantit à ses allocataires - licenciés économiques des entreprises de moins de 1 000 salariés, en redressement ou liquidation judiciaire des zones tests - une rémunération équivalente à 80 % du dernier salaire brut et un accompagnement très renforcé pendant un an. Il coûte environ 17 500 euros par an et par chômeur.
Emplois aidés ?
La crise aidant, la droite redécouvre les vertus des emplois aidés et du traitement social du chômage. Nous vous l'écrivions il y a quelques jours, François Fillon a discrètement enterré le précepte présidentiel qui voulait remettre la France au travail en la libérant de toutes contraintes (ou presque). Lundi, la députée Chantal Brunel (qui s'était fait remarquée il y a 6 mois par son attaque contre les effets pervers du bouclier fiscal et autres niches) a expliqué : "L'UMP, bien sûr, est favorable aux emplois aidés qui avaient diminué lorsque le chômage était particulièrement bas et qui, aujourd'hui, vont effectivement être à nouveau signés pour amortir, pour aider un certain nombre de publics fragiles à entrer sur le marché l'emploi". Mardi, réagissant aux propositions présidentielles, Jean-François Copé, l'avocat-député-maire-chef du groupe UMP à l'Assemblée Nationale, a renchéri : "A situation exceptionnelle, moyens exceptionnels."
Les mesures de droite ne seraient-elles donc valables qu'en période de croissance des richesses ?
Au risque de dérouter ses supporters, le président veut donc revenir aux emplois aidés. Il a promis d'étendre de 230 à 330 000 le nombre de contrats de travail subventionnés en 2009, pour un coût d'environ 250 millions d'euros. Au passage , Sarkozy a prévu de libéraliser le travail dominical, et d'avancer le crédit d'impôt aux ménages recourant aux services à domicile.
Cette politique de girouette, déjà moultes fois pratiquée par le Chef de l'Etat répond à deux objectifs : d'une part, Sarkozy doit tenir compte de l'échec de son programme présidentiel. Ses 18 premiers mois de "réformes" ont plombé le pouvoir d'achat et n'ont pas évité une crise qui a commencé dès le second trimestre. D'autre part, Sarkozy cherche à occuper tout l'espace politique, pour gêner la gauche. Qu'importe s'il se contredit, l'important est ailleurs : durer à la tête de l'Etat. Sarkozy, nouveau Chirac ?
Quoiqu'il en soit, les prévisions d'emploi restent mauvaises pour l'an prochain. le ralentissement s'était fait sentir en France, bien avant la crise boursière.
- Le Discours de Nicolas Sarkozy à Charlevilles-Mézières (18 décembre 2006)
- Emploi: Sarkozy invente la flexibilité positive (Marianne2)