La Chine est depuis longtemps le sujet des fantasmes les plus divers. Elle symbolise depuis quelques années la menace aux économies industrielles occidentales, avec ses capacités de production infinies, les salaires infimes payés à ses ouvriers. Et comme la Chine est visiblement une affaire qui roule, elle est devenue un modèle pour nos capitalistes frustrés par le socialisme qu'ont imposé De Gaulle, Pompidou, Giscard et Chirac, mais qui ne peuvent pas se défaire de l'idée que l'État fort doit quand même tout arranger.
La baisse des salaires et des conditions de travail jusqu'aux niveaux chinois n'est pas un objectif politique avouable, mais ce rêve n'est pas tout à fait absent de l'inconscient réactionnaire français. Même Sarkozy a dit, lors de son discours de Toulon, dans une phrase qui n'a pas été assez commentée par la presse :
Le producteur français peut faire tous les gains de productivité qu'il veut ou qu'il peut. Il peut à la rigueur concurrencer les bas salaires des ouvriers chinois [...].
Ainsi, nos UMPistes ne parlent en ce moment que du retour de l'État. Le Très Grand Homme (TGH) lui-même promet une " redéfinition du rôle de l'État dans l'économie", avec des mesures comme le " médiateur de crédit ", censé réparer le fait que malgré tout ce qui a été promis aux banques, elles ne veulent toujours pas joueur le jeu en prêtant aux PME l'argent que l'État leur prête. En temps normal, les banques n'auraient pas accepté une telle intervention dans leurs affaires ; je suppose qu'aujourd'hui c'est pour elles un moindre mal.
Mais là où le retour de l'État va être sans doute le plus performant, c'est sans doute dans le soutien aux grandes entreprises. Avec 175 milliards, espérons que ce sera performant, en tout cas, et pas une goutte d'eau dans le gouffre. Enfin, peu importe puisque c'est de l'argent gratuit, qui ne figure sur aucun budget... Money for nothing and chicks for free disaient Dire Straits. Tout cela justifié par la peur de (je résume) la Chine, c'est-à-dire ces "prédateurs" qui pourraient venir nous voler nos fleurons, en les achetant au prix du marché.
Chassez la Chine et elle revient au galop : on le sait mais on l'oublie. Parce que voilà la France obligée prendre la Chine comme exemple et justification pour pratiquer le patriotisme économique à la chinoise. Ainsi, le TGH va défendre les grands groupes français, qui sont, il faut le rappeler quand même, cotés en bourse, et donc à chaque instant à vendre. Curieux de voir que soudain ils aient peur qu'on les achète...
Cet été Juan a lancé un défi : trouver quatre qualités à Nicolas Sarkozy. A ma réponse, je dois ajouter une nouvelle qualité : Nicolas Sarkozy nous aide à élaborer nos propres idées politiques, il est en somme le contre-exemple idéal. Jean-Marie Le Pen n'aurait pas été aussi utile en tant que contre-exemple, puisque l'opposition n'aurait pas été très précise (je sais que l'opposition actuellement est tout sauf précise, mais ce n'est pas ce que je voulais dire). Avec Sarkozy, il y a des véritables démonstrations qui font que j'ai pu isoler ce que je n'aime pas dans sa politique.
Voilà : l'étatisme, la centralisation et la consolidation du pouvoir économique et politique me sont devenues insupportables. Devenir une petite Chine n'est pas une solution. Je veux une gauche très loin de ce modèle, très loin de cette perspective. L'autre jour quand je parlais de la traçabilité, c'est un peu à ça que je pensais : la régulation correcte, juste et efficace ne vient pas forcément d'un État central hyper-fort avec un Monarque Gesticulant ; c'est au niveau de chaque transaction financière, à chaque étape du montage des "produits", qu'un petit élément de contrôle se glisse dans le système, que les responsabilités deviennent claires pour tout le monde.
La solution n'a pas besoin de talonnettes.