Lorsque l’un des fidèles lieutenants de Daft Punk, Gildas Loaec, s’associe au parisien d’origine japonaise Masaya Kukori, cela donne Kitsuné, une marque de vêtement qui édite des compilations remarquables et remarquées. Explications.
Comment a évolué le label Kitsuné depuis le lancement de la première compilation, "Kitsuné Love", en 2003 ?
Gildas Loaec : Notre label s’est surtout fait connaître à travers les compilations que l’on édite. Avec "Kitsuné Love", on avait demandé à des artistes de nous proposer des morceaux originaux. Depuis, les choses ont un peu évolué et l’on propose aujourd’hui une série de compilations du nom de Kitsuné maison. Ces dernières ont une orientation "musique de club" mais tu peux également les écouter à la maison. Sinon, nous avons développé le label à l’internationale ce qui nous assure une visibilité dans des pays comme l’Angleterre et le Japon.
Quelles relations entretenez-vous avec les artistes qui se retrouvent sur Kitsuné maison dont le volume 6 vient de sortir ?
En fait, comme nous sortons beaucoup de maxis et compilations, on commence à développer des relations, à travailler de façon plus proche avec les artistes. Par exemple, nous avons pris le risque de parier sur un groupe comme Digitalism dont le premier album a connu un certain succès à l’international avec plus de 200 000 exemplaires vendus. On est plutôt content d’avoir réussi ce premier projet long format, c’était une vraie évolution dans la vie du label. Aujourd’hui, on se concentre sur deux autres nouveaux albums, ceux de deux groupes Anglais : Cazals et autoKratz.
Peut-on dire que vous fonctionnez à l’envi, sur des coups de cœur, aussi bien au niveau musical qu’avec votre ligne de vêtement ?
C’est vrai que ce n’est pas très courant d’avoir un label de musique et une marque de vêtements réunis sous le même nom. Ce n’est pas forcément toujours bien vu… L’idée, c’est que l’on fait vraiment ce qu’on aime, de la conception de vêtements à l’intérêt que l’on porte aux artistes. Nous avons réussi à joindre nos deux passions sous une même marque. Comme le concept reçoit plein d’échos positifs, nous continuons à travailler dans ce sens.
Peux-tu donc nous en dire plus sur votre activité dans la mode ?
En parallèle au label, on développe donc aussi notre marque de vêtement avec des pièces de bonne qualité fabriquées en Europe. Les coupes sont plutôt classiques et simples et nous avons ouvert une boutique dans Paris pour pouvoir vendre nos créations.
Côté label, vous aimeriez devenir plus gros pour pouvoir garder certains artistes en signature ?
En fait, nous avons les ambitions de nos moyens. On travaille à notre niveau, nous sommes autofinancés et nous intervenons sur toutes les étapes de la chaîne de production. C’est clair qu’il y a des projets qui nous passent à côté car nous ne sommes pas assez "riches" pour les financer. Mais, nous n’avons pas vraiment de regret. C’est assez intéressant d’avoir le statut d’indépendant pour pouvoir entreprendre des choses en toute liberté, pour nous développer à l’international à notre rythme.
Comment choisissez-vous les groupes avec lesquels vous avez envie de travailler : grâce à vos connexions ? Ce sont eux qui vous contactent ?
En fait, nous avons une bonne image à l’étranger. Par exemple, c’est bien pour un groupe Anglais un peu connu d’avoir un titre sur nos compilations parce qu’il aura une visibilité en France, en Allemagne, au Japon… Nous sommes distribué un peu partout dans le monde. Un groupe comme Fischerspooner, par exemple, nous connaissez et pensez que l’image du label correspondait à ce qu’ils aiment donc ils sont entrées en contact avec nous. Nous, ça nous intéresse de travailler avec un des meilleurs groupes électro qui est peut-être un peu sous-estimé. Les rencontres se font comme ça. Parfois, nous allons chercher des petits groupes ou nous découvrons des projets lorsque les gens nous font parvenir du son.
Comment cela se passe-t-il concrètement pour la conception de vos compilations ?
On reçoit beaucoup de morceaux en mp3 puis, quand ça nous plaît vraiment, on demande aux artistes des fichiers de meilleures qualités pour ensuite les faire masteriser à Londres, aux studios The Exchange. On envie d’offrir aux auditeurs des compilations avec le meilleur son possible et nous faisons très attention au rendu sonore.
Comment entrevoyez-vous le rôle de mentor que vous pourriez jouer auprès de groupes plus jeunes que vous ?
On aime l’idée d’accompagner des groupes jeunes au début de leur carrière et de pouvoir développer des choses à ce niveau-là. Sur la durée, cela donne du crédit à ce que l’on fait, et puis, quand on voit des formations vraiment exploser par la suite, on se dit que l’on ne s’est pas trompé sur la qualité de leur musique, comme pour les Klaxons, par exemple. En plus, ce qui nous intéresse, c’est de ne pas rester cantonné à un seul style musical, d’aborder plusieurs genres et de vraiment ouvrir le spectre, de ne pas s’enfermer dans un style. On se dit que l’on peut tout faire, ça ne nous pose pas de problème.
Gildas et Masaya, qu’est-ce que ça donne en DJs ?
En général, les gens sont très contents de venir voir en club ces deux formidables Djs (rires). Sinon, côté mix, on aime beaucoup les Cds et les platines Pioneer. On veut mixer un minimum de MP3 car le but est de garder une certaine dynamique et profondeur de son. Les MP3 n’ont vraiment pas de reliefs et les mecs qui jouent que ça dans une soirée sont un peu irritants. Sinon, on aime bien les vinyles mais comme on voyage beaucoup, c’est plus pratique de transporter des Cds.
Propos recueillis par Laurent Gilot
Photo DR
V/A Kitsuné Maison 6 (Kitsuné/Topplers)
Sortie le 20 octobre 2008
Kitsuné Maison Tour 2008 - Photos by Ron Cobrasnake