La pêche à la ligne

Par Mamancelib

Histoire de fêter dignement le début de ces vacances bien méritées, j’ai retrouvé mes collègues et amies de mon ancien collège, avec MissB en pièce rapportée ; mais elle fait aussi partie de la grande famille de l’Education Nationale, donc, elle a été facilement admise dans notre groupe.

Et sept nanas qui se retrouvent, sans homme, au resto, ça parle de quoi ?... Ben oui… Evidemment… Ca parle boulot… What else ?... Il va falloir qu’on apprenne à débrancher de temps en temps, quand même… Enfin, ça parle boulot… Entre deux fous rires, deux mauvaises blagues, deux commérages et ragots en tout genre, deux allusions au zizi sexuel (voire trois)… Bref, on a ri… Beaucoup… Et sans beaucoup de discrétion, c’est vrai…

On a réussi à traumatiser le pôôôôvre jeune serveur. On s’est fait de nouveaux amis : les éboueurs de la ville qui ont déplacé leur camion pour ne pas nous gêner dans nos grandes discussions fortement intellectuelles. L’une d’entre nous a même pensé à leur demander de la ramener chez elle ; son homme aurait certainement adoré la voir débarquer sur le toit du camion benne avec un gilet jaune fluorescent… On les a vus s’éloigner la larme à l’œil, en agitant la main dans leur camion…

C’est quand on était en train de s’étouffer de rire qu’on a entendu, dans notre dos, une voix masculine : « Bonsoir ! ». Qu’est-ce que c’est ?... Qui nous parle ?... Dieu ?... Ah non, c’est un commun mortel de sexe masculin « Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept… » Waouh, quel homme ! Il a réussi à compter jusqu’à sept. « Je viens pour vous inviter à boire un coup avec nous, au bar d’à côté, quand vous aurez fini de dîner… Vous êtes sept, nous sommes sept, ça pourrait être sympa ».

« Ah oui, mais moi, je ne peux pas boire, je suis enceinte » Euh, miss, à 50 ans passés, ton excuse ne prend pas ; il voudra bien croire à une crise d’aérophagie éventuellement… Et vu qu’on était toutes sous la table à hurler de rire quand tu as dit ça, c’est zéro crédibilité.

« Moi, j’ai mes trois gosses qui m’attendent à la maison, dont la dernière de deux mois » Là, d’accord, c’est vrai, les cernes en attestent…

« Et puis, nos hommes nous attendent à la maison ». Oh, les filles, c’est quoi cette tendance à la généralisation ?... Regardez, MissB et moi ?... Nos maisons et nos lits sont vides, non mais oh…

Finalement, l’une d’entre nous a dû voir que MissB et moi avions un filet de bave qui coulait ou un œil qui s’était illuminé à l’idée de nouvelles rencontres et lui a répondu « Ouais, bon, on va voir quand on aura fini de dîner… »

Quand il est reparti à sa table, on a gloussé comme des dindes… D’accord, il lui a fallu du courage pour venir affronter ces sept femelles en furie… D’accord, il n’avait pas l’air trop mal… Mais, on n’est pas là pour draguer !?! Là, c’est soirée filles !!!... Ce qui ne nous a pas empêché de nous contorsionner dans tous les sens pour voir à quoi ressemblaient ces sept autres mâles… On devait avoir fière allure, toutes les sept, à essayer de mater discrètement le clan des sept hommes… Parce que pour la discrétion, on peut passer notre tour... Et puis, nous sommes reparties dans nos discussions animées en oubliant le clan des sept…

C’est quand on a décidé de partir que la vérité nous a explosé au visage… Ah, nos sept bonhommes n’avaient rien de beaux éphèbes… Et la moyenne d’âge était presque le double de la notre… Oups oups oups… En fait, ils nous ont envoyés le « moins pire » d’entre eux… C’était un appât ; un leurre ; une arnaque… Ils ont espéré qu’on allait mordre à l’hameçon… Ils nous ont prises pour un ban de morues et ils ont lancé leur canne à pêche dans notre plan d’eau… Ils ont mouliné, mouliné, mouliné mais l’hameçon est ressorti sans rien au bout. D’accord, nous sommes peut-être des truites saumonées (pour la couleur rose, mais sans l’odeur !), mais on ne se fait plus avoir par des leurres. Pas à nos âges…

Et, le fin du fin, c’est quand nous sommes passées devant nos sept mercenaires, toujours attablés à leur bar… « Hey, vous ne vous arrêtez pas ? » « Euh… Non, non, merci, c’est gentil ! » « Ah, c’est dommage, ça serait été sympa… »… Hein ?... « Ca serait été sympa » ?... Waouh… Le tout assaisonné d’un superbe accent tout droit sorti de « Bienvenue chez les ch’tis » et d’une posture digne du plus vieux lecteur de « Chasse, pêche et traditions »… A part l’appât qui leur avait servi à jouer à la pêche à la ligne avec nous, absolument rien ne pouvait nous donner envie de nous attabler avec eux… Non merci !

Non mais, c’est pas la loose ? MissB et moi discutons régulièrement du fait qu’il est difficile de rencontrer de nouvelles têtes (si on prend l’option célibataire, c’est mission impossible !) et quand il y a une opportunité, ce sont des pêcheurs qui nous prennent pour les canards jaunes de la pêche la ligne ou des bans de morues… Courage, fuyons !