Il y avait quelques années (2002) qu’une anthologie ne s’était
inscrite dans le large spectre de la poésie d’expression française[1].
Celle-ci, initiée par l’association La Nouvelle Pléiade[2] se
place d’emblée comme un hommage à la célèbre et historique Anthologie de la
nouvelle poésie nègre et malgache de langue française de Senghor, sortie 60
ans plus tôt. Manière de filiation naturelle comme le rappelle Jean-René
Bourrel, de l’Organisation internationale pour la Francophonie (OIF) dans sa
postface.
Mais cette anthologie n’est pas une anthologie de plus.
Certes, elle présente les 144 poètes retenus (d’aucuns
diront qu’il en manque autant sinon plus, et que certain(e)s n’y ont pas leur
place, mais quelle anthologie n’est pas incomplète et insatisfaisante ?)
par ordre de naissance, de Henry Bauchau (1913) à Linda Maria Baros (1981), les
classant en trois générations (les aînés, les libres fougères et
l’avenir) placés sous l’égide d’une citation de Césaire, décédé alors que le
projet prenait corps.
Certes, elle donne à lire de chaque poète, de quelque des quatre
bras du fleuve francophone qu’il soit (la préface de Bruno Doucey est, sur
ce sujet ô combien épineux, un bonheur d’intelligence), un texte, le plus
souvent inédit, souvent court (la palme de la concision revient à la
luxembourgeoise Anelise Koltz avec un texte de cinq courtes lignes : La
caravane de mes mots / traverse la page / désert blanc / sans repères / sans
points d’eau), permettant (mais n’est-ce pas le but premier de toute
anthologie ?) au lecteur de se faire une idée au plus près de la réalité
de la diversité de la création poétique contemporaine, et donc de se créer sa
propre anthologie à partir de ce matériau premier.
Certes elle propose quelques pages de notices
biobibliographiques toujours trop courtes, toujours trop incomplètes, mais
nécessaires à la découverte de tel ou tel poète dont le nom nous était inconnu.
Mais cette anthologie va plus loin et c’est ce qui la rend
remarquable parmi tant d’autres : chaque poète est surtout présent et sa
présence est justifiée dans cette anthologie par le court texte en prose qu’il
lui a été demandé pour exposer, dire, raconter, expliquer, son rapport à la
langue française et/ou à la poésie. Et c’est bien dans ces 144 textes
didactiques, lyriques, maladroits, drôles - trop rarement -, sympathiques,
universitaires, poignants, anecdotiques, mais toujours généreux et sincères,
que se trouve la grande originalité de cette entreprise (parce que toute
anthologie est toujours une entreprise) qu’il faut soutenir sans plus attendre.
contribution de Jacques Fournier
Poésies de langue
française 144 poètes d’aujourd’hui autour du monde
une anthologie présentée par Stéphane Bataillon, Sylvestre
Clancier et Bruno Doucey
éd. Seghers, 2008, 480 p., 21 €, en librairie.
sur le site Place des Libraires
[1] (Re)voir et (re)lire les
trois anthologies parues alors sous l’impulsion du Centre national de
Documentation pédagogique chez trois éditeurs différents : Poèmes
à dire, par Zéno Bianu, Gallimard ; Un certain Accent, par
Bernard Noël, L’Atelier des Brisants, et Poèmes à dire la francophonie,
par Nicole Bossard, Le Castor astral.
[2] Par ailleurs,
organisatrice des Grands Prix de la Poésie Léopold Sedar Senghor,
[email protected].