Bernin, Isère, fin octobre 2008
Les peupliers dressent leurs clous interminables, tous les mêmes, comme des stèles commémoratives, témoignages aigus des disparus de la terre. Ma vallée est un cimetière de guerre, mémoire d'une longue bataille gagnée contre la poésie du vivant. Là où les ZAC et les ZI n'ont pas dézingué les prairies au bitume, d'intraitables peupliers ceignent des mers de maïs interdites de houle. Et c'est à peine si l'on entend encore chanter parfois la grive ou le loriot qui vient au bois : on a laissé, ici et là, la forêt d'autrefois se serrer les branches dans des petits carrés parfaitement cisaillés. D'ultimes bastions retranchés dans la sève immobile, où les vieux chênes déroulent de noires étoles de lierre pour couvrir leurs blessures mortelles.