Date de sortie : le 29 octobre 2008
Un film écrit et réalisé par Thomas McCARTHY
Avec Richard JENKINS, Haaz SLEIMAN, Danai Jekesaï GURIRA, Hiam ABBASS…
L’histoire d’un professeur qui se lie d’amitié avec un jeune immigré syrien, avec en toile de fond un New York au rythme des percussions de djembé. Une histoire simple et réaliste. Un petit bijou avec Richard Jenkins, le héros de « Six feet under » vu également chez les Frères Coen, qui est absolument incroyable dans un rôle de solitaire au cœur tendre.
Pas étonnant que le film ait reçu le Grand Prix au festival américain de Deauville …
Walter est un homme seul. Sans attache affective, il mène une vie routinière entre l’écriture de ses livres et l’enseignement de l’économie à l’université. En dépit de ses efforts pour donner un sens à son existence, la solitude et l’ennui le rongent. Lorsqu’il est envoyé quelques jours à New York pour assister à une conférence, il se rend dans son appartement qu’il possède là-bas et constate que le lieu est occupé par un jeune couple, Tarek et Zainab. Passé l’effet de surprise, il leur propose de rester et malgré leurs différences, les deux hommes sympathisent. Tarek, musicien dans l’âme initie alors Walter au djembé et l’introduit dans l’univers des passionnés de percussions. Mais leur vie bascule le jour où Tarek est arrêté lors d’un contrôle de papier et se retrouve menacé d’expulsion.
Dans son premier film "The Station agent", Thomas McCarthy dresse le portrait de trois personnages que tout oppose mais qui trouvent à se rapprocher en dépit des conventions et de leurs différences. Le film sera salué par la critique et est à l’origine du projet de « The Visitor » dans son souhait d’aborder le thème de la barrière culturelle et de l'immigration. A travers un sujet d’actualité, son deuxième film a ainsi su capter avec pudeur et empathie le problème des sans-papiers et sa dimension humaine. Loin des clichés, McCarthy réussit un film avec des personnages attachants sans jamais tomber dans le mélodrame.
Le décalage entre ce professeur au cœur tendre – costume cravate et allure nonchalante – et un jeune immigré syrien à la soif de vivre étonnante, est traité avec beaucoup de tact et sans surenchère. C’est une bouffée d’air pur qui redonne confiance en l’humanité d’une situation qui en manque cruellement. A ce jeu d’opposition, Richard Jenkins est surprenant de sobriété dans le portrait d’un homme ébranlé par la dépression, qui s’engage dans un combat qui n’est pas le sien et renaît ainsi dans la genèse d’émotions inédites. Il est entouré de jeunes acteurs remarquables, Haaz Sleiman (Tarek) en tête. Son personnage est un pied de nez au stéréotype auquel le cinéma nous avait déjà habitués. Pour sa part, l’israélienne Hiam Abbas bien connue du cinéma français (Les Citronniers, La Fabrique des sentiments, Dialogue avec mon jardinier) illumine le film de par son talent, sa fragilité et son interprétation toute en retenue d’une mère courage. Un casting de choix pour un film toujours juste.
Le talent de Thomas McCarthy est aussi pour beaucoup dans la réussite de ce film. La caméra suit tour à tour et dans un contraste saisissant la montée en puissance des sentiments et de la désillusion, l’ivresse de l’un et la détresse de l’autre. Une mise en scène tout en finesse. Le réalisateur cherche ainsi à capter l’authenticité des échanges et à suggérer les émotions plutôt qu’à emprunter la voie de facilité des musiques mielleuses et larmoyantes si prisées dans le genre dramatique. Il se repose ainsi sur le charisme et le talent des acteurs et sur la force des rythmes de percussions qui bercent le film. Exit le militantisme, le film se contente là d’évoquer des tranches de vie où les personnages, éloignés des standards de leur classe sociale, ne font que passer.
"The visitor " montre ainsi les incursions croisées de personnages au destin fragile que le parloir ou les clubs de jazz n’affranchiront pas. Un Grand Prix amplement mérité et un coup de cœur à voir absolument !