La réforme de la télévision publique a été menée en dépit du bon sens
!
Non seulement elle s’appuie sur des bases discutables et sur des motivations
douteuses mais la solution choisie est incertaine et tout à fait
contestable.
Tout à commencé un beau matin de janvier et plus précisément au cours de la
séance des bons vœux de notre Présidents Sarkozy.
Le voilà, tout jubilant, qui sort de son chapeau une décision d’importance
capitale pour la télévision publique, sans concertation préalable, sans avoir
établi de plan de financement précis, sans justifier en quoi le fait de
supprimer la publicité aura une influence bénéfique sur la qualité des
programmes !
Dans n’importe quelle entreprise, il eut été inconcevable d’engager un
projet stratégique d’une telle envergure sans justification sérieuse et sans le
moindre élément financier mais lui, apparemment, ça ne l’a pas gêné !
A ce niveau de l’histoire on hésite entre 2 hypothèses :
Soit Nicolas Sarkozy qui était déjà, à cette époque, brinquebalant dans les
sondages, s’est demandé, le matin même, comment il allait pouvoir occuper le
terrain de la rupture, de préférence par une annonce qui ferait oublier tous
les autres sujets et qui de surcroît mettrait encore un peu plus de confusion
dans l’esprit de ses opposants !
Et abracadabra turlututu chapeau pointu …il sort de sa besace la suppression
de la pub sur France Télévision qui effectivement entre tout fait dans la
catégorie rupture, qui effectivement fait beaucoup gloser et qui effectivement
va ravir les lecteurs de TELERAMA !
Soit, il a une motivation plus profonde, quasi idéologique, qui est qu’en
matière de médias, il faut séparer radicalement le privé du public… et en
corolaire, que le financement par la publicité empêche la télévision publique
d’assurer son rôle de Service public !
Dans les 2 cas, ce n’est pas très sérieux !
Tout d’abord parce qu’une telle mesure doit être justifiée par autre chose
qu’une affirmation péremptoire du type « la publicité impose la course à
l’audience qui impose des programmes médiocres » !
Sans publicité France Télévision va-t-elle être exemptée de faire de
l’audience ?
La réponse on la trouve dans un entretien donné à l’Express (du 24 janvier)
par José Freches considéré comme un des instigateurs de cette
réforme.
"...dans les futurs cahiers des charges des chaînes, actuellement en
préparation, figureront vraisemblablement des objectifs d'audience, imposés aux
patrons de ces entreprises."
La réponse est claire, la télévision publique ne sera pas dispensée de faire
de l’audience.
Pourtant, il me semblait bien que ce que l’on reproche à la publicité c’est
justement de pousser à faire de l’audience et que faire de l’audience passe
nécessairement par des programmes de « mauvaise qualité » ou disons
faciles !
Cela signifie t’il qu’il y a de la bonne et de la mauvaise audience ?...que
l’audience justifiée par la publicité n’est pas la même que celle qui sera
demandée par l’Etat ?
Si on peut faire de l’audience sans être uniquement guidé par la pression
des annonceurs, quel est l’intérêt de se priver du financement de la publicité
?
Sauf à en faire une affaire de principe, c’est à dire à considérer que la
publicité est un mode de financement « sale » et qu’il ne faut
surtout pas que la télévision publique se commette avec ces horribles
représentants du grand capital international, avec ces apôtres de la Société de
consommation qui corrompent tout ce qu’ils touchent !
Je ne pense pas que ce soit l’état d’esprit de Nicolas Sarkozy et en
conséquence, j’ai le sentiment que sa motivation tient plus de la volonté de
faire un coup d’éclat et de laisser son nom dans l’histoire que de la réelle
conviction !
Il y a bien une autre option qui n’est pas exclusive des 2 autres qui
pourrait consister à penser que Nicolas Sarkozy a cédé aux amicales pressions
(version mauvais esprit) ou du moins s’est rendu aux arguments (version
indulgente) des TF1 et autres M6.
Rappelons quand même que TF1 avait plaidé dans un livre blanc que le Groupe
a remis à l'Elysée fin 2007, pour la suppression de la publicité sur les
chaînes publiques.
Quoi qu’il en soit, le moins que l’on puisse dire (encore mon indulgence
naturelle), c’est que les motivations, les raisons de cette réforme ne semblent
pas extrêmement claires.
D’autant plus que, d’emblée, et comme si s’était une évidence, la question
du mode de financement de l’audiovisuel public a été étroitement liée à celle
de son mode de fonctionnement, de son organisation et de ses objectifs
!
Et non seulement ces sujets ont été liés de manière indissociable mais on a
commencé par la fin, tout a été fait à l’envers !
Au lieu de commencer par définir les exigences nouvelles, puis de redéfinir
le cahier des charges des différentes composantes de France Télévision, puis de
se demander qu‘elle est la meilleure organisation, quel est le budget
nécessaire et puis, enfin, de se poser la question du mode de financement, on a
commencé par amputer d’1/3 le budget de France Télévision !
En résumé, sans même indiquer en quoi la télévision sans pub sera différente
de la télévision avec pub, et sans savoir par quoi remplacer ces recettes, on
annonce que l’on va se priver de plus de 800 millions (même si un étonnant
retour arrière semble avoir été fait pour ne plus avoir besoin que de 470
millions).
800 millions d’euros ça ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval et par
les temps qui courent alors que les caisses sont vides (sic Nicolas Sarkozy) et
que les prélèvements obligatoires sont trop importants (sic Nicolas Sarkozy) je
ne suis pas certain qu’il soit heureux de priver la télévision publique d’une
telle manne financière !
Une fois l’annonce faite, il a quand même fallut s’interroger sur le
financement de substitution et ça a été le rôle de la Commission Copé. Ses
conclusions validées par Nicolas Sarkozy sont révélatrices des contradictions
françaises.
Comme d’habitude, la solution qui a été trouvée c’est d’instaurer une
taxe !
Pourtant si on veut faire jouer à l’audiovisuel public un rôle de service
public, c’est en toute logique, un financement public qui doit être trouvé …et
en l’occurrence il y en a un qui fait pour ça, c’est la redevance !
Pourquoi aller taxer des entreprises privées qui iront de toute façon
répercuter ce coût supplémentaire sur leurs tarifs ? … et à quel titre
?
Certes les fournisseurs d’accès à l’Internet ont enrichis leur offre en
rediffusant les contenus audiovisuels des télévisions, mais d’une part ils
considèrent que cette taxe est complètement disproportionné avec le chiffre
d’affaires généré par les flux télévisuels (selon eux il serait d'à peu près
500 millions d'euros) et d’autre part ces opérateurs rediffusent également et
surtout des chaines privées qui elles, en toute logique, devraient également
réclamer leur part !
Même si on admet que les fournisseurs d’accès Internet doivent une
rémunération aux chaines qu’ils rediffusent via leur canal, cette rémunération
est du ressort du contrat privé entre les chaines et les opérateurs, elle ne
justifie pas une taxe !
De plus, assoir une partie importante du budget de l’audiovisuel public sur
une base qui par définition est mouvante d’une année sur l’autre, crée une
incertitude préjudiciable à un audiovisuel public qui a besoin d’une visibilité
à moyen terme pour engager nombre de ses programmes.
Si le gouvernement avait voulu être cohérent, il aurait assumé son choix de
supprimer la pub en augmentant la redevance, mais évidemment il est beaucoup
plus simple d’instaurer une taxe supplémentaire qui ne touche pas directement
les français et leur triste pouvoir d’achat.
Cette mesure n’aurait pas été franchement populaire et Nicolas Sarkozy
aurait du expliquer clairement ses choix !
Et il aurait eu du mal à le faire, à convaincre que supprimer la pub
permettra d’obtenir de facto une télé de qualité. C’est évidemment simpliste.
La télévision de qualité suppose évidemment bien d’autres conditions que la
simple suppression de la publicité. Elle suppose une autre organisation et peut
être également d’autres moyens !
Même si l’argent ne fait pas tout, rappelons quand même que le budget de TF1
fait grosso modo 3 fois celui de France Télévision. Etait-ce vraiment le bon
moment pour réduire le budget de France Télévision ?
Cette réforme est l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire
!
On lance un projet sans réflexion préalable, on le justifie comme étant la
condition sine qua non à une télévision publique de qualité et on commence par
amputer celle-ci d’une partie de son financement, on ne se pose qu’ensuite la
question de savoir par quoi la remplacer et on ne trouve rien de mieux que de
taxer des Sociétés privées de manière tout à fait arbitraire, le tout avant
même d’avoir défini ce qu’on entend par « télévision de qualité » et
avant d’avoir spécifié les nouveaux objectifs qui devront être fixés à
l’audiovisuel public !
Et en la matière on peut avoir les pires craintes si on en croit ce même
José Freches déjà cité plus haut qui dans ce même entretien à l’Express nous
dit :
"... il faut que France 2 innove. Qu'elle contribue à l'émergence d'une
nouvelle génération d'animateurs et de producteurs. Qu'elle fasse la part belle
à l'innovation, à la création, à l'investigation journalistique et aux nouveaux
formats d'émission. Pour ma part, j'ai toujours regretté que France 2 se soit
refusée à faire de la téléréalité et tourne le dos à des programmes comme la
Star Academy, qui n'ont rien d’infamant.»
Le premier regret de José Freches est donc qu'il n'y ait pas sur France 2 la
même téléréalité (programme de qualité s’il en est) que sur les chaînes privées
!
Si la télé de qualité donnée en exemple à France Télévision est celle que
produit TF1 et bien je ne suis pas certain que tout ce bazar soit bien utile
!!!