La présence de Bachar al-Assad sur les Champs-Elysées le 14 juillet pose,
encore une fois, la question récurrente de l’attitude que doivent avoir les
démocraties vis-à-vis des pays qui piétinent ne respectent pas les
droits de l’homme.
Fallait-il inviter, à une cérémonie ô combien symbolique, un personnage qui
soutient le terrorisme, qui fait assassiner des responsables politiques de pays
annexes mais non annexés (le Liban) et qui tient son pays d’une main de
fer.
Encore une fois, après Kadhafi, la Chine, Ben Ali et maintenant Bachar
al-Assad la question est toujours la même. Quelle est la bonne démarche par
rapport aux pays qui portent atteinte aux droits de l’homme de manière trop
flagrante ?
On a beaucoup écrit sur le sujet depuis 1 an et l’idée de ce billet n’est
pas de relancer le débat mais de l’éclairer très très légèrement en considérant
les épisodes Kadhafi et Chinois avec quelques mois de recul.
Si je caricature un peu, sur ce sujet, on trouve 3 grandes lignes de
conduite :
Il y a les partisans d’une position ferme et sans concession, qui
privilégient l’éthique, ce sont ceux qui prônent le boycott des jeux olympique
et d’une manière générale un embargo diplomatique et si possible économique de
ces pays là.
Il y a ceux qui considèrent que pour faire avancer la cause des droits de
l’homme, il ne faut pas isoler les pays « défaillants » et surtout
pas s’ériger en donneurs de leçons au risque de braquer à la fois les
dirigeants et leur population. Ceux là prônent le dialogue avec les dictateurs
et l’intégration de ces pays dans un processus diplomatique international avec
l’espoir que la force de l’exemple les fera évoluer.
Et il y a ceux pour qui nous n’avons pas à nous immiscer dans les affaires
de pays étrangers et souverains et qu’il ne faut surtout rien faire qui puisse
nuire aux échanges commerciaux avec ces marchés. C'est d'ailleurs la position
affichée des pays comme la Russie, la Chine ou la Lybie (encore récemment la
Russie et la Chine ont bloqué un projet de résolution de l'ONU visant à
sanctionner Mugabe)
En apparence, peu de différence entre la deuxième et la troisième sauf
l’intention et donc le résultat escompté. La frontière est ténue, et c’est
justement cette apparence peu différentiante qui permet à des adeptes de la
troisième de se faire passer facilement pour des partisans de la
seconde.
L’accueil en grandes pompes de kadhafi, les félicitations adressées à
Poutine, les visites en Chine ou en Tunisie ou encore la présence de Bachar
al-Assad sur les Champs-Elysées le 14 juillet laissent à penser que Nicolas
Sarkozy entre soit dans la deuxième soit dans la troisième catégorie.
Si on en croit ses promesses de campagne et ses propos lors de son discours
d’investiture, faisons lui le crédit de penser qu’il appartient à la
deuxième:
« Je veux être le Président de la France des droits de l’homme.(...) Je
ne crois pas à la « realpolitik » qui fait renoncer à ses valeurs
sans gagner des contrats.
(...) Je n’accepte pas le sort que l’on fait aux dissidents dans de nombreux
pays. Je n’accepte pas la répression contre les journalistes que l’on veut
bâillonner.
Le silence est complice. Je ne veux être le complice d’aucune dictature à
travers le monde. »
Considérons donc que l’idée de Nicolas Sarkozy est de feindre une apparente
complicité pour mieux dénoncer et surtout pour faire évoluer les pays
concernés.
Cette démarche est certainement la plus délicate à mettre en oeuvre car si
elle ne fonctionne pas, si cette attitude ne provoque pas de changement chez le
dictateur avec lequel on a fait copain, copain, et bien il ne reste plus dans
les esprits que l’apparente complicité et le diplôme de respectabilité qui va
avec !
Compte tenu de l’objectif annoncé par Nicolas Sarkozy lui même: « Je ne
veux être le complice d’aucune dictature… » Comment en considérer les
résultats ?
Si on reprend les cas de Kadhafi et de la Chine, que constate-t-on
?
En 2007, le dictateur terroriste et preneur d’otages Kadhafi a été accueilli
à bras ouverts par Nicolas Sarkozy. Or, 1 an après qu’observe t’on ?
Outre que les pseudos faramineux contrats déjà dans le principe très
discutables (armes, nucléaire) s’avèrent beaucoup moins importants qu’on à bien
voulu le dire (et beaucoup moins importants que ce dont ont bénéficiés les
espagnols), on constate que l’attitude de Kadhafi n’a pas changée d’un
iota.
Non seulement il n'a pas évolué d'un pouce mais par dessus le marché, il
fait tout pour casser le projet d’Union pour la Méditerranée » de Sarkozy
en refusant d’y participer, en le qualifiant de « projet dangereux »
et en prédisant un « échec complet …à cette salade absurde »
!
Il apparait clairement que Kadhafi a empoché le brevet d’honorabilité sans
rien donner en échange.
Dans le cas de la Chine, les conclusions sont identiques :
Nicolas Sarkozy a pris la décision, après moult vraies ou fausses
hésitations, de participer à la cérémonie d’ouverture des JO. Cette décision
est d’autant plus importante que Sarkozy y portera la double casquette de
Président de la république française et de Président en exercice de l’Union
européenne.
Rappelons quand même que Gordon Brown et Angela Merkel ont, eux, décidés et
faits savoir qu’ils n’y seraient pas !
Pourtant Nicolas Sarkozy avait subordonné sa présence à la cérémonie à la
reprise du dialogue entre les autorités chinoises et le Dalai Lama.
Or, non seulement ce dialogue n’est pas engagé mais, à peine eut-il confirmé
au président chinois son intention de se rendre à la cérémonie d'ouverture, que
l’ambassadeur de la Chine à Paris lance devant la presse qu’une rencontre entre
Nicolas Sarkozy et le dalaï-lama ( à l'occasion de sa visite en France en
Août), "serait contraire au principe de non-ingérence des Etats dans leurs
affaires intérieures" allant même jusqu’à dire qu'il s'opposait "fermement" à
une telle rencontre !
En clair, il faut se rendre à l’évidence, les chinois se moquent des
amicales pseudos pressions de Sarkozy comme de leur première
baguette.
Là encore, la France et l’Europe seront présentes à la cérémonie d'ouverture
des Jeux sans avoir rien obtenu en échange.
Que conclure de ces 2 exemples particulièrement significatifs ?
Et bien que l’attitude de la France qui consiste à faire copain copain avec
les dictateurs de tous poils en espérant qu’ils se disent « tiens, mon
copain Nicolas a raison, c’est pas bien ce que je fais, je devrais arrêter
d’emprisonner mes opposants politiques, d’assassiner les journalistes et de
m’en mettre plein les fouilles sur le dos de mon bon peuple » …n’a pas
franchement fait la preuve de son efficacité !
Que de tout cela, il ne reste que le brevet de respectabilité octroyé par
Sarkozy et le sentiment que cela laisse d'une complicité avec beaucoup de
dictatures à travers le monde ….
Faut-il pour autant remettre en cause la démarche, je ne le pense pas, mais
peut être faut-il l’appliquer avec un peu plus de fermeté et un peu moins
d’ambigüité que ce dont ont fait preuve, jusqu'à présent, Nicolas Sarkozy et la
diplomatie française. Sinon, on va finir par croire que Nicolas Sarkozy, malgré
ses belles déclarations, appartient plutôt à la troisième catégorie qu'à la
seconde !