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Obésité, santé, solidarité et responsabilité

Publié le 08 août 2008 par Nicolas007bis

Norbert

Récemment, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF) ont proposé de taxer, d’une manière ou d’une autre, les sodas, glaces, chips et autres aliments bourrés de sucres, de sel et de graisses.

Comme pour le tabac ou l’alcool, l’idée sous-jacente est double : d’une part de provoquer une baisse de la consommation de ces produits et d’autre part de compenser le surcoût, pour la Sécurité Sociale, provoqué par les pathologies associées à ces produits.

Il n’a pas fallu 2 jours pour que le Ministre du Budget Eric Woerth proclame qu’il était « … hors de question d'augmenter la TVA sur des produits alimentaires, surtout dans un contexte de difficultés de pouvoir d'achat pour les Français » ajoutant par précaution un magnifique « …Ce n'est pas un rapport de gouvernement. Cela reste un rapport d'experts, qui n'a aucune valeur de proposition, ni de fait établi » …au cas où on n’aurait pas compris que le Gouvernement n’a rien à voir avec cette malheureuse idée antisociale !

C’est bien dommage !

La Sécurité Sociale et plus particulièrement l’Assurance Maladie, s’appuie sur des notions de solidarité et d’universalité qui supposent que la Collectivité nationale assure à tous le financement de tout ou partie des soins de santé. La solidarité se manifestant d’une part par la proportionnalité des prélèvements par rapport aux revenus et par la mutualisation des risques puisque contrairement aux pratiques d’une assurance privée, n’y a pas de lien entre le niveau de risque que présente un individu par rapport à la santé et sa contribution financière au système.

Avec les taxes sur le tabac et l’alcool, l’Etat a commencé à déroger en partie à ces règles puisque ces taxes ont été justifiées non seulement par un souci de faire baisser la consommation mais également par la volonté de faire contribuer un peu plus au budget de l’Assurance maladie, ceux dont les habitudes de consommation présentent un risque supérieur de consommer des soins.

C’est également l’idée sous-jacente à la récente proposition des Inspections générales.

« Il convient clairement de présenter cette action fiscale comme une mesure de financement de l'assurance-maladie, produisant par ailleurs un effet de signal à l'égard des consommateurs et des industries agroalimentaires ».

Pour différentes raisons, je ne suis pas un fan des nouvelles taxes mais l’idée de dissuader et/ou de faire payer ceux qui volontairement (à partir du moment où une information institutionnelle est largement diffusée) prennent un risque pour leur santé afin de compenser une partie du surcoût qu’ils occasionnent à la collectivité mérite d’être considérée avec attention.

Si en plus cela doit permettre de faire évoluer les comportements eh bien tant mieux !

Pourtant l’idée a été évacuée manu militari !

Si on considère la question sous l’angle de la Santé Publique et si j’en crois les études faites sur le sujet et le rapport qui accompagne ces préconisations, la sur-consommation de ce qu'on appelle les « junkfoods » provoque surpoids et obésité causes de maladies cardiovasculaires, de diabète, voire de certains cancers.

Si on la considère sous un angle purement économique, le fait que ces pathologies se multiplient et concernent un niveau significatif de la population aura un coût important pour la collectivité nationale.
Selon l'IGAS et l'IGF, « si les déséquilibres alimentaires encore constatés aujourd'hui devaient perdurer, il est peu douteux que la prévalence des troubles et pathologies chroniques augmentera (...) et rendra peu soutenable l'avenir du financement de la protection sociale ».

Face à cette situation, il y a 2 niveaux de réactions possibles et bien entendu cumulables:

Le premier consiste à informer, le plus largement possible, la population des conséquences de ce mode de consommation afin qu’une prise de conscience s’opère et que les comportements s’ajustent spontanément.
Le second consiste à forcer les comportements à évoluer par des mesures coercitives et/ou des pénalités financières. C’est ce qui a été faite pour le tabac et l’alcool. Les pénalités financières étant censées permettre de faire d’1 pierre 2 coups en provoquant une diminution de la consommation et, pour peu qu’elles soient reversées à l’Assurance maladie, de compenser une partie des coûts des soins des pathologies liées à cette consommation.

Bien entendu, on ne peut que souhaiter que le premier niveau suffise et qu’il n’y ait pas besoin, d’une nième taxe supplémentaire !
Mais, l’expérience a montré que ces campagnes d’information étaient non pas inutiles mais largement insuffisantes au regard des résultats attendus (cf. le tabagisme).

A partir de là, soit on considère qu’il faut laisser chacun libre de ses choix d’alimentation et de manière générale de ses comportement quels que soient les risques qui leurs sont associés, en ne les pénalisant pas par un surcoût ou une interdiction; soit on restreint leur champ de liberté en obligeant ceux qui prennent des risques pour leur propre santé, à les assumer financièrement et préventivement, compte tenu du fait qu’en définitive c’est la collectivité qui paiera si ces risques se matérialisent.

La seconde attitude présente l’avantage de ne pas remettre en cause les principes de solidarité et d’universalité sur lesquels est basée l’Assurance maladie tout en y introduisant sélectivement une pratique d’assurance selon laquelle l’assuré paye en fonction du risque couvert. C'est le principe du "pollueur – payeur", du "fumeur – payeur" et du "buveur – payeur" élargi au « bouffeur/buveur de cochonneries – payeur » !

C'est un moyen de responsabiliser les consommateurs de soins gratuits (ou presque) que nous sommes !

Evidemment, cette méthode doit être utilisée avec précaution à partir du moment où, dans le cas présent, elle revient, pour l’Etat, à remettre en cause un comportement individuel qui pourtant ne provoque pas de nuisances pour autrui (Contrairement aux fumeurs).
Ou fixe t-on la limite entre un comportement à risque qui doit être taxé/restreint et un comportement dont les conséquences doivent être prises en charge par la collectivité sans contreparties ?

Faut-il taxer ou rationner ceux qui mangent beaucoup trop (quelle que soit la qualité de ce qu’il y a dans leur assiette), ceux qui roulent à vélo sans casque, les 2 roues (qui ont un taux d’accidents élevé), celles qui font un enfant après 40 ans … ?

En bref, ce ne doit pas être une porte ouverte ni à une banalisation forcée des comportements pour les rendre socialement corrects ni à une personnalisation du risque et donc des prestations ce qui reviendrait à remettre en cause le principe de solidarité qui prévaut en matière de santé. En résumé, ou est la frontière entre les risques que la collectivité doit prendre à sa charge et ceux que chacun doit assumer. Sans répondre à la question, un élément me parait discriminant, c’est l’existence d’une alternative « raisonnable » pour tous.

Dans le cas du type de produits que l'IGAS et l'IGF se proposent de faire taxer et sous réserve qu’il soit confirmé que ce ne sont pas des produits de première (ou seconde) nécessité, contrairement à ce que le gouvernement semble signifier, il y a des alternatives à prix équivalents !

Il n’y a aucune obligation pour les petits budgets à boire quotidiennement du soda plein de sucre et à manger des chips pleines de sel.

En conséquence, il ne me semble pas scandaleux de faire financer leurs futures maladies par ceux qui en abusent.
Encore faut-il qu’il y ait bien transfert des fonds récoltés vers le système de santé (Caisse d’Assurance Maladie, CMUT …) qui soit, au moins, du niveau de dépenses de santé anticipées (probablement pas facile à estimer surtout lorsqu’on se projette à un horizon de 20 – 30 ans).
A ce propos, il est intéressant de constater comment ont été affectés les prélèvements sur le tabac et l’alcool.

Sur le tabac
En 2007 seul 30 % des montants prélevés sur le tabac (9,4 milliards en 2007) ont été affectés à la CNAM (environ 2,8 milliards d’euros).
Environ 11 % sont revenus au budget de l’Etat
52 % sont affectés à la FFIPSA (Fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles).
Plus de 4 % ont été attribués à la CMU et 1,5% au FNAL (Fond national d’aides au Logement).
Une part de 3,39 % (319 millions) est attribuée au panier de recettes finançant les mesures d’allègements généraux, afin de couvrir le coût en demi-année de l’exonération totale de cotisations patronales de Sécurité sociale (hors AT-MP) pour les entreprises de moins de 20 salariés à compter du 1 juillet 2007.

Enfin, une fraction égale à 1,69% du droit de consommation est affectée pour l’année 2007 au régime général afin de financer les charges d’intérêt qu’induisent les sommes restant dues par l’État au titre des relations financières entre l’État et la Sécurité sociale.

Sur les boissons alcoolisées
Les boissons alcooliques sont soumises à un droit indirect qui a rapporté 2,6 milliards en 2007 et à une taxe additionnelle s’appliquant aux boissons dont la teneur en alcool est supérieure à 25 degrés (415 millions d’euros en 2007).
En 2005, le droit indirect était intégralement affecté au budget de l’Etat. Depuis 2006, ces prélèvements sont affectés en totalité au financement des allégements généraux de charges patronales, conformément aux dispositions de la loi de finances pour 2006. La cotisation sur les boissons alcooliques, affectée à la CNAM jusqu'en 2004, a été transférée en 2005 au fonds de financement de la CMU complémentaire.

Au vu de ces chiffres, on peut constater que ces prélèvements sont loin d’être intégralement réaffectés à la Santé. Les droits sur les boissons alcoolisées sont versés en intégralité au budget de l’Etat pour lui permettre, notamment, de compenser le manque à gagner pour l’Assurance maladie engendré par les allègements de charges patronales. Ce qui revient à prendre d’une main ce qu’on donne de l’autre et donc, en définitive, à attribuer ces droits non pas à l’Assurance maladie mais à l’Etat afin qu’il puisse faire face à ses obligations vis-à-vis de l’Assurance maladie ce qui n’est, évidemment, pas du tout pareil !

En ce qui concerne les produits « trop gras, trop sucrés ou trop salés », le mode de taxation n’avait pas été vraiment défini mais une des hypothèses évoquée était d’appliquer à ces produits un taux de TVA à 19,6 % au lieu des 5,5% en vigueur pour les produits alimentaires et la restauration rapide.
Si cette solution avait été adoptée, puisque la TVA est reversée au Budget de l’Etat, le risque est important que là, également, la Sécurité Sociale ne bénéficie pas pleinement des montants prélevés.

En conclusion, je trouve regrettable de la part du Gouvernement de refuser d’étudier cette proposition pour des raisons purement politiques, par risque de déplaire à un moment ou on ne parle que de pouvoir d’achat défaillant.

Encore une fois, sous le prétexte, qui reste à prouver, de ne pas pénaliser financièrement les plus modestes, on ne cherche pas à mettre en œuvre une mesure qui outre ses effets sur la Santé publique, permettrait de responsabiliser les comportements vis-à-vis de notre système de santé.

Il semble normal que ceux qui prennent volontairement un risque dont ils ont été avertis et à partir du moment où ils ont une solution alternative, en payent, à l’avance, les conséquences financières pour la collectivité. Tout ce qui peut permettre de faire prendre conscience que la santé à un coût tout en respectant le principe de solidarité sur lequel s’appuie la Sécurité Sociale, doit être encouragé.

Par contre, cela suppose que, contrairement à ce qui est fait jusqu’à présent, cette taxe soit bien reversée au système de Santé et bien présentée comme telle.
Dans le cas contraire, elle n’aurait pas la même signification, elle ne pourrait plus être justifiée de la même manière et apparaitrait, au mieux, comme un impôt supplémentaire et au pire comme une restriction de la liberté de chacun de choisir son mode alimentation …et sa maladie.


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