Besancenot, guévariste de salon ou dangereux révolutionnaire ?

Quelques interrogations suite à la lecture des propos de Jean-Marc Rouillan à l’occasion d’une entretien donné à l’Express.

Pour commencer, rappelons, pour les plus jeunes, qui est Jean-Marc Rouillan.

Jean-Marc Rouillan était un des meneurs d’Action Directe, groupuscule terroriste des années 80 qui s’est rendu célèbre par des attentats, des attaques à main armée, mais surtout par une dizaine d'assassinats dont ceux de l'Ingénieur Général Audran et de Georges Besse, le PDG de Renault...tout cela au nom de la lutte des classes et de la mise à bas du capitalisme et de l'impérialisme.
Rouillan et ses acolytes sont arrêtés en 1987 (notons que c’était la 2ème fois, mais qu’ils ont bénéficié, en 1982, d’une amnistie de la part des Socialistes …et qu’une fois libéré ils ont commencé à tuer…bravo !). Ils sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, avec une peine de sûreté de dix-huit ans.

En résumé, Jean-Marc Rouillan était un idéologue de la pire espèce prêt à tuer au nom de la Lutte des classes !
Quand est-il 20 ans après ?

Dans son entretien avec L’Express ce criminel nous dit notamment ceci (extraits):

« Ces dernières années, la force de pacification des relations politiques était telle en France qu'elle désarmait tous les conflits, récupérait les initiatives révolutionnaires. Je ne sais pas si on va réussir à crever ce miroir aux alouettes.

L’Express : C'est-à-dire ?
Porter le conflit jusqu'à l'affrontement. Beaucoup de gens, actuellement, ne peuvent pas aller beaucoup plus loin dans la misère. Il va y avoir des problèmes! D'ailleurs, l'Etat s'y prépare avec des programmes contre-insurrectionnels qui vont jusqu'à l'utilisation de drones... Que fera-t-on, à ce moment-là, en tant que révolutionnaires? Appeler à voter Besancenot ou amener d'autres pratiques ?
'' L’Express : Votre entrée potentielle dans un parti ne met donc pas fin à l'idée pour vous que la lutte armée est nécessaire?

Il faut clarifier les choses: le processus de lutte armée tel qu'il est né dans l'après-68, dans ce formidable élan d'émancipation, n'existe plus. Mais en tant que communiste, je reste convaincu que la lutte armée à un moment du processus révolutionnaire est nécessaire
. L’Express : Regrettez-vous les actes d'Action directe, notamment cet assassinat (de Georges Besse) ?

"Je n'ai pas le droit de m'exprimer là-dessus... Mais le fait que je ne m'exprime pas est une réponse. »

C’est clair, ce que nous dit Jean-Marc Rouillan c’est :

• qu’il n’a pas évolué idéologiquement en prison et qu’il reste un bon vieux « communiste révolutionnaire » comme aux belles époques des Staline et autres Pol Pot.
  
• Qu’il regrette la « force de pacification des relations politiques » qui a le tort selon lui de "désarmer" tous les conflits, ce qui correspond pourtant aux fondements de la démocratie .
  
• Qu'en conséquence, il ne regrette pas les meurtres qu’il a commis au nom de la « Cause »
  
• Et qu’en toute logique, il n’a pas renoncé à utiliser la violence dans le cadre d’un « processus révolutionnaire » !
  

En résumé, il ne regrette rien, il ne conçoit la politique qu'à travers des conflits violents et se dit prêt à recommencer si l’occasion se présente.

Jean-Marc Rouillan est resté un personnage pour qui la fin justifie les moyens, engoncé dans des concepts idéologiques (heureusement) dépassé, faits de conflits, de haine d’un ennemi satanique, pour qui le monde est divisé en 2 camps irréconciliables le prolétariat et la bourgeoisie, un coté rouge et un coté noir…le monde des terroristes !

C’est donc cet individu que Besancenot a accepté d’accueillir au sein du NPA ( Nouveau Partis Anticapitaliste )

Certes, cet accord avait été donné avant cette interview mais d’une part, il m’étonnerait que Rouillan se soit caché de ses desseins politiques profonds et d’autre part, il n’y a eu aucune condamnation de la part Besancenot suite à cette publication; contrairement à Alain Krivine qui a au moins le mérite de réagir par un « Si Rouillan souhaite adhérer au NPA, c'est qu'il a radicalement changé sur cette question de la lutte armée et je le souhaite. ».

Encore plus fort, suite à la décision du Juge d’application des peines de suspendre la mesure de semi-liberté dont bénéficiait Jean-Marc Rouillan, Olivier Besancenot appelle à une « mobilisation unitaire » : « L'heure pour nous est à une mobilisation unitaire de toute la gauche sur la question de la liberté d'expression pour défendre les libertés démocratiques", et pour que "la loi soit respectée » !

La liberté d’expression a bon dos !

Lorsqu’un meurtrier, non seulement sous-entend clairement qu’il ne regrette rien mais également qu’il justifie un recours à la violence pour « appuyer » son action politique, il ne me paraît pas scandaleux que sa liberté d’action soit réduite.

Sans aller jusqu’à assimiler Besancenot à Rouillan, son attitude est pour le moins ambiguë !

D’ici à considérer que Besancenot cache bien son jeu pour ne pas effrayer le bon peuple, il n’y a qu’un pas qu'on pourrait-être assez tenté de franchir s'il ne lève pas rapidement cette ambiguité.

Ambiguité relevée par Rouillan lui même lorsque dans cette même interview, à la question : "Mais quand Besancenot dit qu'il a toujours condamné les méthodes d'Action Directe, il exprime une opposition à cette violence.. Il répond :

« Oui... Et en même temps, il se dit guévariste. C'est un petit peu paradoxal! Il pense que, quand on touche à ce terrain, il faut être social-démocrate... Non! Quand on se dit guévariste, on peut simplement répondre que la lutte armée est nécessaire à certains moments.» ...remarque pleine de bon sens me semble t'il ! Malgré tout, histoire de ne pas trop mettre à mal l'image du gentil facteur, il termine par un très rassurant mais pour le moins incompréhensible " On peut avoir un discours théorique sans faire de la propagande ou de l'appel au meurtre"

Alors Besancenot, un guévariste de salon un peu naïf ou un dangereux révolutionnaire ?