Filer bosser en province pour un parisien... Point de vue :

Publié le 24 juillet 2007 par Seb

Les cadres n'hésitent plus à abandonner Paris pour prendre un poste en région.

CE N'EST PAS une mode mais une tendance lourde. Aujourd'hui, un cadre qui largue un poste à Paris pour aller travailler en province n'est plus un marginal. Selon Mo­nique Lévy, dirigeante d'un cabinet de recrutement à Bordeaux, « le phénomène reste soutenu. Les motivations sont le plus souvent la recherche d'une meilleure qualité de vie : avoir un logement plus vaste, profiter davantage de sa famille et éviter de perdre trop de temps dans les transports ».

Les cadres n'hésitent plus à abandonner Paris pour prendre un poste en région.

CE N'EST PAS une mode mais une tendance lourde. Aujourd'hui, un cadre qui largue un poste à Paris pour aller travailler en province n'est plus un marginal. Selon Mo­nique Lévy, dirigeante d'un cabinet de recrutement à Bordeaux, « le phénomène reste soutenu. Les motivations sont le plus souvent la recherche d'une meilleure qualité de vie : avoir un logement plus vaste, profiter davantage de sa famille et éviter de perdre trop de temps dans les transports ».

Privilégier la famille

Toutes les catégories d'âge semblent touchées mais les trentenaires seraient les plus sensibles aux attraits des régions. Pour eux, il est es­sentiel de trouver l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Dans ces conditions, fuir la capitale et son immobilier hors de prix ap­paraît souvent comme la solution. « Pour ces jeunes cadres, l'entreprise c'est bien mais rien ne vaut la qualité de la vie et la famille », estime Éric Bohn, dirigeant du cabinet de recrutement Euro Consulting Partners. Ceux qui ne trouvent pas de poste en province ne se découragent pas pour autant.

Bachir Hamdouni, un ingénieur informatique de 32 ans, vit à côté d'Orléans mais son employeur, un éditeur de logiciel, est basé en région parisienne. « J'ai né­gocié un télétravail avec l'entreprise. Dans ma petite ville de 7 000 habitants, je vis et je bosse dans une maison de 140 m2 que je n'aurais pas pu m'offrir à Paris. Pour mes enfants, ce cadre de vie est préférable. »

Retourner dans leur ré­gion d'origine, c'est le plan de certains candidats au départ. Ainsi espèrent-ils faciliter leur changement de job dans un environnement déjà connu. Jean François Reynouard, ancien cadre dirigeant d'une société de services informatiques en région parisienne, rêvait de vivre du côté de Saumur, sa terre natale. Finalement, il s'est posé tout près, à Angers, où il vient de racheter deux PME. « Je vivais à Paris depuis plus de vingt ans. Mon souhait était de revenir dans l'Ouest tout en menant un nouveau projet professionnel, résume l'en­trepreneur de 40 ans. Je viens de démarrer mon activité..., le camion familial arrive le mois prochain. » En quittant la capitale, prend-t-on le risque de plomber sa carrière ? « Ces candidats sont souvent habitués à bouger. Ils ne se posent pas cette question, constate Monique Lévy. En revanche, ils veulent connaître les perspectives d'évolution du poste qu'ils visent en ré­gion. »

Opter pour des villes aussi dynamiques que Toulouse, Nantes ou Montpellier n'est pas dévalorisant. Mais, comme le rappelle Éric Bohn, « en cas d'accident de parcours provoqué par une fermeture d'usine ou une réorganisation, retrouver un job équivalent est plus compliqué en région parce que le potentiel d'emploi y est souvent moins important qu'à Paris ». C'est flagrant dans les nou­velles technologies.

Un écart de 10 à 20 % sur les rémunérations

Par ailleurs, dans les grands groupes, accepter un poste en province signifie parfois s'éloigner du siège parisien où se prennent toutes les décisions stratégiques. « Loin des centres de pouvoir, certaines opportunités peuvent vous échapper. Votre carrière risque de s'en ressentir », ajoute Éric Bohn.

Autre écueil, les salaires en région sont le plus souvent inférieurs à ceux pratiqués à Paris. L'écart est de 10 à 20 %, selon les secteurs et les fonctions. Mais la perte est compensée par un prix de l'im­mobilier en général plus bas. « Si bien que nous rencontrons des personnes qui acceptent de rogner sur leur rémunération, explique Monique Lévy. Elles cherchent à profiter de nouvelles opportunités de carrière alors qu'elles plafonnaient sur Paris. »

Reste aussi à convaincre la famille de suivre. Délicat quand le conjoint travaille et qu'il doit lâcher son emploi. On voit ainsi se développer ces fameux « couple TGV ». L'un est en poste en province, l'autre à Paris, le train leur permettant de se voir le week-end, voire chaque soir pour les plus courageux. Certains s'adaptent bien à ce rythme de vie. D'autres ne le supportent pas longtemps et, dans ce cas, le clash est inévitable. Le conjoint qui ne suit pas : c'est la principale explication au retour de cadres à Paris après une tentative en région.

Il y a aussi les enfants. Plus ils grandissent et plus il est compliqué de les faire bouger. « Nos deux filles sont en pleine adolescence. On va les déraciner. Elles vont perdre leurs repères, explique Jean François Reynouard, un accent de culpabilité dans la voix. C'est une vraie rupture. On ne le réalise seulement que lorsqu'on est au pied du mur. » Enfin, les parents doivent aussi se recréer un tissu relationnel, même si l'on garde des liens avec ses amis parisiens. Souvent un motif d'inquiétude pour les nouveaux arrivants.

HUIT MILLIONS DE FRANCAIS PRETS A TRAVAILLER A LA CAMPAGNE

39 % des citadins souhaitent s'installer à la campagne. Ce qui représente environ 8 millions de personnes, soit un million de plus qu'en 2005. C'est le résultat d'une enquête dévoilée ce mois-ci par BVA pour le Collectif Ville Campagne. La moitié des citadins souhaitant se mettre au vert veulent le faire lorsqu'ils sont actifs et 23 % envisagent même de changer d'employeur ou d'activité. Enfin, 50 % des urbains prêts à sauter le pas ont « déjà réfléchi à un projet d'activité ». Preu­ve que ce désir de changement n'est pas une lu­bie passagère.

BRUNO ASKENAZI. Publié le 02 juin 2007 - FIGARO