L'Accoucheuse de lumière de Coline Florent

Par Grandlivredumois
"Manon des sources" sauvage et solitaire, Christelle ne pourrait renoncer, en dépit de ses soixante-quatorze ans, aux randonnées dans sa chère montagne. Par malchance, ce jour-là , elle glisse sur un éboulis de pierres et c'est la chute. Coincée entre deux roches, en attendant la mort, elle admire le vol des aigles, écoute les cigales et se souvient... Deux fils rouges ont guidé son existence : son coup de foudre pour Robinson, petit citadin rencontré sur les bancs de l'école et qui ne cessera de croiser sa route, et son passé d'avorteuse. Initiée au secret des plantes médicinales par sa mère, Christelle est, en effet, la guérisseuse, mais aussi la faiseuse d'anges du village. Elle sait comme nul autre le drame des femmes au désir d'enfant contrarié et connaît des secrets de famille lourds à porter.
Construit comme un puzzle, ce premier roman, très bien écrit, tient en haleine jusqu'au bout.

L'interview

Vous avez dédié cette histoire à votre mère et à votre grand-mère : ce roman est né d'un désir d'écrire un hommage aux femmes qui nous ont précédées...
coline Florent
: Ma mère et ma grand-mère, comme de nombreuses femmes de leur génération, furent obligées d'avorter dans le silence et la honte. L'avortement était une réalité sordide, une tache dans la vie de ces femmes dévouées à leur famille à laquelle elles appartenaient, pour certaines, "corps et âmes". L'apprentissage de la liberté demande du temps et il a fallu bien du courage à ces femmes pionnières qui revendiquent le droit à "disposer" d'elle-même. Christelle a du s'imposer, elle aussi, pour gagner la liberté de choisir sa vie. Dans le roman, la question, malgré tout, reste en suspens : Christelle va-t-elle vraiment choisir cette vie ? Choisir, dans la vie, signifie abandonner un chemin pour en emprunter un autre : est-on jamais sûr de faire le bon choix ? Aux deux tiers ou à la fin du chemin parcouru, il n'est pas rare de regarder en arrière et d'imaginer avec nostalgie la vie que l'on aurait pu avoir si le choix avait été différent.

Parlez-nous de la façon dont votre héroïne vit et conçoit l'amour...
Coline Florent
: Christelle est un être d'une grande pudeur et la sexualité ne semble pas etre un grand problème pour elle. On peut vivre librement et aborder l'autre avec pudeur, par respect. Proche de la nature, un peu sauvage, distante et solitaire, elle n'a pas construit sa vie sans homme, mais par respect du choix de l'un ou de l'autre, elle ne s'est pas imposée. A huit ans, elle rencontre celui qui sera pour elle l'incarnation de l'amour. L'enfant qu'elle est, idéalise Robinson, qu'elle voit comme un prince charmant, celui qui la sauvera de sa triste vie. Mais son départ anéantit son rêve. La vie les réunit de nouveau et la déception des retrouvailles transforme encore sa vision de Robinson. A chaque événement s'impose une vision nouvelle de cet homme qu'elle n'arrive pas à accepter ni à oublier. Ces deux-là sont liés, jusqu'à la fin de leur chemin réciproque.