Un professeur d'histoire néglige les programmes officiels (qui le sont d'ailleurs, négligeables) pour enseigner la dialectique à ses élèves. La logique du changement et ses lois. Tout ce qui vit est en perpétuel mouvement, en perpétuel changement. Et tout ce qui ne change pas? N'est-ce pas en train de mourir?
Ainsi ce professeur, Dan, qui, incarnant la loi dialectique de l'unité des contraires, enseigne le changement, rêve de changer le monde, mais peine à lutter contre son propre pourrissement, l'accélérant lui-même parfois à coups de crack.
Ainsi la communauté afro-américaine, représentée comme immuablement engoncée dans les stéréotypes du rap, de la drogue, de son argent facile et de ses grosses bagnoles, dans un mouvement non moins morbide qui entraîne une des élèves les plus brillantes de la classe de Dan.
Ainsi cette amérique blanche "libérale" (ça veut dire "de gauche") qui a abandonné ses rêves de jeunesse et s'enkyste dans son confort petit-bourgeois tandis que l'armée US s'enfonce en Irak.
"Qu'est-ce qui nous empêche d'être libres?" demande Dan à ses élèves. Le système, l'Etat, sont les réponses qui surgissent. C'est lui qui donne le "half nelson", cette prise de catch dont on ne peut se dégager et qui donne son titre à ce film.
Et après? Le film a beau être porté par d'excellents acteurs, en particulier Ryan Gosling, il se conclut sur le faible rayon de lumière de l'amitié ambigüe qui s'est forgée entre Dan et une de ses élèves.
Mais c'est là un ultime renoncement, une ultime contradiction, d'un film dont le propos était la liberté, ou l'aliénation comme on voudra, d'un film tentant d'explorer les facettes d'une Amérique où l'espoir du changement s'est absentée, et qui se termine bêtement sur le "main dans la main" du prof et de l'élève dans la lumière pâle du matin new-yorkais. L'évocation trop fréquente de personnages de série TV eût pu servir de signal d'alarme au spectateur, l'avertissant que ce film risquait de finir dans la facilité: c'est le cas, et la demi-teinte mélancolique du film en devient pénible. Voilà donc un film indépendant américain qui nous laisse mi-figue, mi-raisin.