Je suis rarement d'accord avec Alternatives Économiques. Pourtant, là, ils ont raison sur Marianne2 à propos de ce qui ressemble à un jeu de dupes. Ou plutôt, prenons du recul pour dire que la comparaison exprimée entre ce qu'a fait Brown et que ce qu'a fait Sarkozy est implacable et donne à penser :
"Contrairement au gouvernement anglais, l'État français a apporté [une première tranche de 10,5 milliards d'euros] aux banques sans revendiquer aucun droit de regard sur leur fonctionnement via une présence au capital et dans les conseils d'administration. Il ne leur a pas non plus imposé de conditions strictes en matières de dividendes, de bonus ou encore de distribution de crédit. Il fallait évidemment voler au secours des banques afin de limiter le risque d'un credit crunch catastrophique pour l'économie réelle, mais on était en droit d'exiger d'elles des contreparties sérieuses. Sur ce plan, Gordon Brown, qui n'est pas réputé pourtant pour son hostilité foncière à l'égard des acteurs financiers, s'est montré nettement plus regardant que Nicolas Sakozy et son gouvernement."
Le banques française qui ne s'engagent... à rien
Par
Guillaume Duval, rédacteur en chef d'« Alternatives économiques », qui
estime que le plan de sauvetage britannique a été beaucoup plus
exigeant à l'égard des banques que son équivalent français.
« Titres subordonnés »
Au Royaume uni, le gouvernement a décidé d'injecter 50 milliards de livres, soit 63 milliards d'euros, dans le capital des banques anglaises, sous la forme de 25 milliards de livres d'actions et 25 milliards de livres de titres dits subordonnés (voir ici ). Qu'est-ce qu'un « titre subordonné » ? C'est un titre financier qui fait partie des capitaux propres d'une entreprise, c'est-à-dire qu'il comporte les mêmes risques financiers que les actions : si l'entreprise fait faillite, il perd toute valeur et celui qui le détient n'a aucun droit sur la vente des biens restants de la société. Par contre, contrairement aux actions, il ne donne pas de droit de vote à l'assemblée générale des actionnaires ni aucun droit de regard sur la marche de l'entreprise. Il est rémunéré sous la forme d'un taux d'intérêt supérieur à celui auquel on rémunère normalement le crédit, compte tenu des risques supplémentaires pris sur le plan financier. En contrepartie de cette recapitalisation, le gouvernement britannique a imposé aux banques des conditions très strictes : maintien de la distribution des crédits aux particuliers et aux PME au niveau de 2007 ; aucun bonus en 2008 pour les dirigeants des banques et redéfinition de toutes les politiques de bonus ; aucun dividende pour les actionnaires normaux tant que l'État sera au capital ; présence de représentants de l'État dans les conseils d'administration.
Credit Crunch
Bref, il fallait évidemment voler au secours des banques afin de limiter le risque d'un credit crunch catastrophique pour l'économie réelle, mais on était en droit d'exiger d'elles des contreparties sérieuses. Sur ce plan, Gordon Brown, qui n'est pas réputé pourtant pour son hostilité foncière à l'égard des acteurs financiers, s'est montré nettement plus regardant que Nicolas Sakozy et son gouvernement. Les banques britanniques étaient certes, du fait de la crise immobilière qui sévit Outre-manche, dans une situation plus difficile que les banques françaises, et donc obligées d'accepter des conditions draconiennes. Mais si les banques françaises ne sont pas réellement dans le besoin, faut-il leur apporter quand même autant de capitaux sans contreparties, alors que le gouvernement manque tellement de moyens pour soutenir l' « économie réelle » face à la grave récession qui menace ?
(c) Marianne2, G.Duval
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