Devant quelque deux mille délégués du Mouvement démocrate (MoDem), réunis à la Mutualité à Paris, François Bayrou en réponse à la crise financière qui secoue la planète s’est borné à refuser de choisir entre socialisme et capitalisme. Une politique à la normande du ni-ni qui symbolise bien le perpétuel grand écart du Modem.
«Je ne crois pas plus à la refondation du capitalisme que je ne crois à la refondation du socialisme», a affirmé le leader centriste. On peut ne pas apprécier Nicolas Sarkozy mais saluer son engagement, son volontarisme. Pas François Bayrou. «Le modèle de Sarkozy, c’est le modèle américain. Si de Gaulle était là, vous croyez qu’il laisserait dire que c’est le capitalisme, même refondé, l’idéal de la France ?»
La critique systématique des actions présidentielles pourrait à terme se révéler contre productive. Nicolas Sarkozy défend l’idée d’une réforme profonde du système financier mondial ? François Bayrou est contre, forcément. Pour le leader du modem, il y a de la «naïveté à croire qu’on peut dicter à des mécanismes en œuvre depuis le début des temps de se plier à la volonté politique publicitaire». «On cherche à nous faire croire qu’il y aurait un capitalisme vertueux, le gentil capitalisme des affaires d’autrefois, perverti par le méchant capitalisme financier. Et qu’on pourrait refonder le premier en supprimant le second. Pour cela, on brûle ce qu’on adorait dimanche. Même Chavez salue la conversion socialiste de Sarkozy. Ça doit bien faire rigoler du côté du Fouquet’s !»
Mué en altermondialiste humaniste, le patron du Modem, a évoqué une autre voie sans vraiment la dessiner autrement qu’en indiquant que l’Europe devra en être le support. «Entre le projet socialiste et le projet capitaliste, les Français auront désormais le choix avec un projet humaniste, dont la première affirmation, c’est qu’il y a dans la vie humaine, dans la société, des choses qui n’appartiennent pas à l’univers marchand». «Nous, ce que nous mettons en premier, ce n’est pas l’argent, c’est l’être humain».
En illustration François Bayrou s’est appuyé sur la réforme de l’éducation nationale. «L’éducation appartient au non-marchand. Or, la réforme actuelle des lycées m’inquiète. Avec la semestrialisation, on cherche à gagner des heures, à faire des économies. Et on fait sortir le lycée de la culture de la durée pour la culture du zapping». Même discours critique contre le projet de privatisation de La Poste.
Le diagnostic semble tenir la route mais le praticien qui le dresse est-il le plus à même pour le faire ? Ancien ministre de l’Éducation des gouvernements Balladur et Juppé François Bayrou a laissé le souvenir d’années marquées par leur immobilisme. Ancien député européen, le béarnais exonère rapidement ses amis du parlement européen de leur absence de remise en cause du dogme de la libre concurrence.
Or, la cohérence des discours avec ses actes, en politique ça a un nom :crédibilité. Le seul fait d’être habité, comme Ségolène Royal, par l’idée qu’il a une destinée à accomplir ne saurait suffire. Derrière les envolées lyriques et les mots vides, les français attendent du concret. Autre chose que la simple affirmation selon laquelle «le combat européen, ce n’est pas un rendez électoral, c’est un choix de destin».
Conscient de ce risque le député des Pyrénées-Atlantiques devrait dans les semaines à venir multiplier les déplacements sur le terrain, « aller partout avec les gens qui vivent la crise ». Il ne devrait pas être déçu.