Sur le terrain et tout particulièrement dans les Etats indécis, l'écart entre la logistique Obama et celle de McCain est considérable.
De loin, une présidentielle Américaine semble être d'abord une bataille de communication à partir d'images bien travaillées.
De près, c'est souvent surtout une bataille de logistique pour aller débusquer les indécis, parvenir à les convaincre, mobiliser son camp et ce, quartier par quartier.
Tout est alors question de logistique et de mental des bénévoles locaux. C'est un volet peu spectaculaire souvent méconnu.
Et pourtant, la différence peut se faire dans ce cadre.
Le combat électoral pour la fonction de Gouverneur de Californie en 2006 a été l'illustration de l'impact de la logistique.
En novembre 2005, le Gouverneur sortant, Arnold Schwarzenegger, était donné battu de 6 points par son concurrent démocrate,
En février 2006, il passe à égalité avec son concurrent démocrate.
En avril 2006, le Gouverneur sortant passe en tête : + 4 points.
En mai 2006, l'avance portée à + 7 points.
Fin septembre, l'avance ira jusqu'à 16 points et la réélection sera facilement acquise.
Que cache ce retournement ?
Certes, des modifications majeures quant au fond de la politique mise en oeuvre : mesures contre la crise énergétique, contre la crise climatique, financement de la recherche sur les cellules-souches, démarquage total et ostentatoire par rapport à la politique mise en oeuvre par le Président Bush.
Mais il faut compter aussi avec la probable plus grosses base de données jamais mise en oeuvre pour une élection locale.
Cette base de données à deux originalités : la quantité de données serait sans précédent dans l'histoire politique des Etats-Unis mais surtout, c'est une base de données commerciales donnant lieu à des traductions politiques.
A partir des habitudes d'achats, l'équipe du Gouverneur Schwarzenegger a établi une grille de lecture politique. Par exemple, un conducteur de camionnette possédant un permis de chasse et abonné à un magazine "chasse-pêche" est un conservateur potentiel alors que celui qui est un abonné du "New Yorker" faisant ses courses dans un magasin de produits naturels est supposé voter démocrate.
Cette logique est la première opération croisant deux données :
une base brute de données privées à caractère commercial et le profilage politique en raison des caractéristiques de consommation.
Cette approche est le fruit d'un long travail conduit par une équipe importante sous la direction de Steve Schmidt, directeur de campagne, et Josh Ginsberg, directeur politique.
Aux Etats-Unis, l'acquisition de ces données est parfaitement légale. Ces données sont d'autant plus nombreuses que presque chaque segment de marché fiche ses clients : commerces de détail, compagnies aériennes, sociétés de crédit, magazines…
C'est la première fois qu'un maillage aussi étroit intervenait pour une campagne politique. Mais c'est aussi la première fois qu'une telle action individualisée pouvait intervenir. Chaque message s'adressait alors à la bonne cible pour lui parler de ses priorités quotidiennes.
Avec de tels moyens, un micro-ciblage sans précédent a pu être opéré.
C'est un volet de l'organisation logistique d'une campagne présidentielle.
Cette logistique, c'est la combinaison de deux strates.
L'équipe d'état-major du candidat qui prépare les sujets fédéraux, la communication globale, les déplacements internationaux, les débats contradictoires … Cette équipe coordonne les équipes locales qui travaillent Etat par Etat et qui, à leur tour, cherchent à essaimer le plus possible.
La campagne efficace, c'est celle qui sait concilier l'infiniment grand et l'infiniment petit.
L'infiniment grand, c'est par exemple l'assurance de bonne gestion des relations publiques par l'équipe fédérale du candidat.
L'infiniment petit, c'est l'organisation dans le quartier qui va jusqu'au dernier moment être capable de téléphoner, d'aller frapper aux bonnes portes pour mobiliser.
Bien entendu, cette organisation diffère selon qu'elle peut s'appuyer ou pas sur celle d'un leader local qui soutient ouvertement un candidat. Sinon, il faudra créer la structure locale, l'équiper, l'animer. Puis cette structure va constituer ses bases de données et actionner à fond le phoning et le routage de mails. Elle va ouvrir des locaux, créer sa "war room" et engager le travail de terrain.
Dans l'hypothèse d'une élection serrée, c'est souvent ce quadrillage du terrain qui fera la différence.
En pleine primaire démocrate, l'équipe Obama comptait près de 700 salariés. Dans les dernières semaines, le quadrillage terrain a joué un rôle décisif face à Hillary Clinton.
Le 4 novembre 2008, ce quadrillage terrain sera déterminant.
Loin des grands thèmes fédéraux, c'est peut-être là que l'élection se gagnera dans des Etats clefs.
Chaque permanence électorale est organisée de la même façon. On y retrouve des tracts, des piles de discours. Mais surtout, des plans de quartiers avec des noms d'habitants : rue par rue, quartier par quartier. Sur ces fiches sont rassemblées le maximum de données.
Obama a mis en place une chaîne de relais qui annonce des chiffres impressionnants de mobilisation. Pour certaines primaires, dans un seul Etat, près de 20 000 personnes pouvaient aller sur le terrain au contact des électeurs.
Il est vrai que cette technique de mobilisation a pu compter sur des progrès liés à de nouveaux moyens comme MySpace ou Facebook.
Sur Facebook, Obama a revendiqué plus d'un million "d'amis" mobilisables.
Les téléphones portables ont été des outils permanents de mobilisation et d'information. Les textos sont ainsi devenus un support privilégié de campagne.
Dès l'été 2007, l'équipe d'Obama organisait des séminaires de deux à quatre jours à travers tout le pays pour préparer l'organisation ultérieure.
Ce réseau sera déterminant pour l'issue dans le duel avec McCain à ce jour écrasé sur le terrain par la logistique Obama.