La semaine dernière, sur la route de Valence, j’ai fait un petit tour à Cadaquès et j’ai pris la photo de cette sculpture de métal. Il s’agit de la représentation, peu fidèle de Lidia.
Dans le Journal d’un génie, Salvador Dalì écrit ceci à son propos :
Septembre 1953
le 15Eugenio d’Ors, qui n’est pas venu à Cadaquès depuis cinquante ans, vient me rendre visite entouré d’amis. Il est attiré par le mythe de la Lydia de Cadaquès. Il sera sans doute possible que nos deux livres sur le même sujet paraissent simultanément. En tout cas, le sien vaguement esthète et psuedo-platonicien ne pourra que faire pbriller les arrêtes réalistes et hypercubistes de ma “bien plantada”.
Tour cela mérite d’être éclairci. Lors d’une promenade vers le phare, on tombe sur une petite maison. Vraiment petite… Cette modeste cabane est devenu un monument de Cadaquès. En effet, sur un panneau on peut lire :
Si on en croit ce que raconte ce panneau, cette dame était capable de faire le grand écart dans ses amitiés car entre Lorca et Engenio d’Ors les sensibilités politiques étaient plutôt opposées. C’est le moins qu’on puisse dire !
Mais qui était donc cette femme ? Lídia Noguer i Sabà, fille d’une certaine “Sabana”, considérée comme l’une des dernières sorcières de Cadaqués, avait été un temps aubergiste et avait logé chez elle des personnages aussi célèbres que Picasso et Puig i Cadafalch. En 1904, elle héberge Eugeni d’Ors, lors d’un bref séjour à Cadaqués du jeune intellectuel du moment. De cette rencontre naîtra l’admiration qui deviendra la grande obsession de Lídia. Quand d’Ors écrit La ben plantada en 1911, Lídia s’identifie immédiatement avec Teresa -elle en viendra même à affirmer parfois que tel est son nom-, et la fascination que lui inspire l’écrivain s’intensifie et dégénère progressivement en folie délirante. Elle va jusqu’à interpréter les articles que celui-ci écrit pour la tribune quotidienne (intitulée Mon Glossaire) qu’il tient au journal La Veu de Catalunya. Lídia les lit et les relit continuellement : pour elle, ce sont des réponses aux lettres qu’elle adresse à d’Ors.
Ce n’est cependant que sept ans après la mort de Lídia qu’Eugeni d’Ors semblera s’intéresser vraiment à elle ; il se rend à Cadaqués en compagnie de Cesáreo Rodríguez-Aguilera, voulant en savoir plus au sujet de cette femme qui lui a écrit tant de lettres auxquelles il n’a jamais répondu. C’est à cette occasion qu’il demande à Salvador Dalí s’il veut bien illustrer le livre relatant La verdadera historia de Lidia de Cadaqués.
Dalí, qui justement projette d’écrire un livre sur Lídia, accepte avec enthousiasme. De fait, Lídia et Dalí se connaissaient depuis fort longtemps. Enfant, le peintre avait écouté Lídia raconter bien des histoires aux gamins de Cadaqués. Et, en 1929, quand l’artiste avait décidé de s’installer dans la petite ville avec Gala, contre la volonté de son père, Lídia avait été la seule à l’aider et leur avait vendu la baraque de pêcheurs de Portlligat où ses fils rangeaient leurs instruments de pêche. C’est dans cette maison, qui fait aujourd’hui partie du triangle dalinien, que les Dalí fixèrent définitivement leur résidence à leur retour des États-Unis, fin 1948.