On a tous déjà vu ça, et on est tous tombé dans le panneau.
On y parlait de sujets graves pour masquer la pauvreté de l’intrigue et des situations, les dialogues sonnaient creux et surtout, écrits par une bande de scénaristes adultes, aucunement représentatifs de ce que pouvaient vivre ou dire les adolescents de l’époque.
Certes, certains ont bien essayé de rentrer dans le lard à tout ce conformisme ambiant (Degrassi, Hartley Cœur à Vif), mais c’était pour bien vite se fourvoyer dans les travers de leurs aînés.
Prenant de plus en plus le spectateur boutonneux pour un abruti qui ferait mieux de réviser ses cours plutôt que traînasser devant la télé, les auteurs, n’ayant plus aucun scrupules, se reposèrent sur leurs lauriers et lâchèrent les pires infamies télévisées, accompagnés par des adaptateurs français qui sabotèrent le moindre élan scénaristique de ces séries lobotomisantes.
Mais maintenant que le domaine de la série TV est en passe de devenir un art surpassant même le septième, que les adaptations françaises sont de plus en plus ratées, annihilant toute considération pour chacune des séries adolescente dont elle s’occupe (RIP Veronica Mars), une série, pleine de rébellion pubère, à la voix qui mue et aux testicules qui descendent se met au défi de bouleverser tout ce monde sclérosé par un gros coup de pied au cul, bien jouissif et douloureux.
Une série attachante et couillue, au ton doux amer, qui réveille tout un pan de la population et crie : « Nous aussi on existe, et on a rien à voir avec ce connard de Dawson ! »
Skins est une véritable découverte donc, et un regard pour le coup réaliste d'une génération perdue et désenchantée (tout est KO ho ho). Tout y passe, de la sexualité, à la drogue, des parents démissionnaires aux amours contrariés, tout ça sans le moralisme merdeux des séries américaines (dont le dernier représentant reste Dawson et toute sa bande).
Irrévérencieuse, hilarante, malsaine et d’une noirceur absolue parfois, la série choque, bouscule le spectateur qui ne s’attendait pas à un tel choc, mais surtout, par ses situations dépeintes, par ses personnages si finement caractérisés, et malgré des traumas bien présents, rend le moindre second rôle, voire la pire des ordures, attachante.
Ces ados là sont vrais.
Oui ils baisent, oui ils jurent, oui ils préfèrent se défoncer plutôt que d’affronter les responsabilités d’une vie d’adulte, oui ils ne sont pas beaux à voir.
Mais sommes nous si beaux à l’intérieur ?
Ces ados là crachent à la gueule de toute une société bien pensante et prouvent qu’ils sont aussi à reconsidérer, et pas cet étalage de clichés bêtifiants que nous assène les médias, les informations, la pop culture jour après jour.
Chaque épisode se concentre sur un personnage de la bande, qui n’échappent pas au départ aux clichés de la caractérisation adolescente, mais qui deviennent au fil des épisodes tellement plus, qu’on ne peut révéler ici certains pans de l’intrigue sans gâcher des scènes d’une puissance émotionnelle incroyable.
L’épisode 1x08 sur Effy est par exemple complètement malade, étouffant, une descente aux enfers glaçante et irrémédiable.Certains personnages y sont à la croisée de leur destin, et devront répondre de leurs actes passés, provoquant des scènes d'une noirceur absolument traumatisante, et l'on reste sans voix, à peine préparé à un tel choc.La drogue, le viol, la responsabilité, l'amitié, la gémellité, tout s'entrechoque dans un grand fracas de violence insoutenable.C'est extrêmement fort, magnifiquement interprété et réalisé.Une réussite totale.
Même les personnages fonctions de la série, comiques de service servant de pallier de décompression d’une noirceur parfois étouffante, trouveront un autre éclairage dans les épisodes qui leur seront consacrés.
Ainsi l’identification est immédiate, et aux scénaristes (aidés pour l’anecdote par de vrais jeunes) de traiter de problèmes rarement vus dans une série TV.
Le ton est cru mais nécessaire pour dépeindre de ce qu’on y imagine sans mal être le quotidien de la jeunesse british.
Les dernières minutes de la saison 1 sont justes éblouissantes, et assènent encore un énorme choc.En lui même l'épisode est la somme de toute la série et on en ressort en larmes.Ainsi se termine une première saison quasi parfaite, et on attends la suite avec autant d'impatience que l'ultime saison de The Shield (bon d'accord, pas à ce point quand même).Mais ça reste indispensable.
Et même si la série est à voir en VO, la VF est pour une fois soignée et réussie, réunissant toutes les stars du doublage jeune, et gardant à la virgule près les insultes et autres mots fleuris.
En tant qu’exception qui confirme la règle, Skins est une série à découvrir absolument, à la réalisation inspirée, à l’interprétation, aux scripts et à la bande son parfaits, qui resteront au final une date dans l’histoire des shows adolescents, bien loin des problèmes de manicure de Brenda, des ronflantes histoires de couples de Dawson, et autres séries à rallonge joués par des trentenaires.
Préparez-vous à un sacré choc.
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