Bloguer, c’est comme la rédaction scientifique? Pas tout-à-fait… mais pour faire les deux, je trouve ça intéressant de noter qu’il y a plusieurs points en commun:
- Ça va contre la logique commerciale habituelle.
La logique commerciale habituelle, c’est que tu travailles et que tu fais de l’argent. “Pourquoi tu blogues, est-ce que c’est payant?” Non. En fait, pas maintenant ou plutôt pas directement. Quoique, cet outil m’a permis de développer des relations avec des gens forts intéressants d’un point de vue personnel comme d’un point de vue d’affaires. De la même manière, le capital du chercheur universitaire n’est pas son salaire, mais plutôt la qualité et le nombre de ses publications. Celles-ci lui permettent ensuite d’aller chercher du financement pour pousser plus loin ses recherches. - L’information circule librement.
Comparativement à d’autres sphères de la société, la communauté scientifique est généreuse au niveau du partage des connaissances et je trouve ça très beau. Les chercheurs publient leurs résultats et les rendent disponibles à leurs confrères du monde entier, qui peuvent l’utiliser puis les pousser plus loin. Cette diffusion des connaissances n’est certainement pas étrangère à la rapidité à laquelle les technologies se développent. C’est la même chose pour les blogues. Les bons articles inspirent d’autres blogueurs, qui les citent et poussent le propos plus loin ou l’adaptent à leur point de vue. - On a affaire à une communauté qui s’y connait sur un sujet donné.
Quand on écrit un article scientifique, on n’écrit pas pour tout le monde comme un journaliste d’un grand quotidien peut le faire. On s’adresse à une communauté qui suit un sujet particulier avec intérêt. Quoique plus accessibles, les communautés de blogueurs consitent néanmoins en des groupes qui s’intéressent à un thème plus ou moins précis. - Contenu revu par des pairs.
Ne publie pas un article qui veut. OK, il existe plusieurs qualités de journaux et de conférences scientifiques pour permettre même aux chercheurs qui ne sont pas géniaux (m’incluant) de pouvoir publier. Cependant, pour être publié, un article doit passer par les mains d’évaluateurs spécialistes sur le sujet. Selon leur évaluation, l’article pourra être publié tel quel, modifié puis publié, ou simplement rejeté. En gros, les critères d’évaluation sont la nouveauté du contenu, la rigueur scientifique et la qualité de la rédaction. À l’inverse, sur notre blogue, on peut publier ce qu’on veut. Cependant, ce sont les articles bien écrits, avec un contenu intéressant et original qui attireront le plus de lecteurs en général. De plus, les lecteurs peuvent commenter comme ils veulent les articles. La revue par les pairs se fait donc suite à la publication et sur la place publique, contrairement à la révision des articles scientifiques. - “Page Rank” vs “Impact Factor”.
Comment fait-on pour connaître l’importance relative des sites, incluant les blogues, sur le web? La mesure la plus commune est le Page Rank de Google. Ce nombre qui obsède bien des créateurs de sites dépend de pleins de facteurs plus ou moins secrets, dont certainement le nombre de liens qui pointent vers le site. De la même manière, les journaux scientifiques sont classés en fonction de leur Impact Factor. Cette valeur est un ratio entre le nombre de références faites sur les articles d’un journal dans un an divisé par le nombre d’articles paru dans ce journal durant les cinq années précédentes. Un chercheur sera habituellement évalué par son université en fonction de l’Impact Factor des journaux dans lequel il publie.Je me demande si les créateurs de Google, qui viennent du monde de la recherche universitaire, ne se seraient pas inspirés de l’Impact Factor au début de l’engin de recherche… Aujourd’hui, c’est plutôt le monde de la recherche qui gagnerait à utiliser des méthodes développées par Google pour déterminer l’importance des recherches publiées par un journal ou par un chercheur en particulier. L’Impact Factor est plutôt rudimentaire, et comporte une partie d’arbitraire (e.g. pourquoi 5 ans?).
Évidemment, il y a aussi quelques différences entre les deux types de rédaction. Bloguer demande clairement moins de rigueur intellectuelle, ce qui est plutôt libérateur dans mon cas. Écrire un article scientifique demande beaucoup de détails et donc de temps. Souvent, entre le moment où la recherche est effectuée et où elle est publiée, plusieurs mois peuvent s’écouler.
Il existe cependant un paradoxe important à la rédaction scientifique. Les chercheurs, pour diffuser leurs connaissances, donnent les droits d’auteur aux journaux. Les universités, qui paient les chercheurs, doivent ensuite payer des abonnement à ces même journaux pour pouvoir accéder aux résultats des recherches. C’est devant cette contradiction que la Public Library of Science est née. La PLoS édite plusieurs journaux scientifiques à la méthode open source. Les articles sont donc accessibles à tous gratuitement. En ce moment, les sujets des journaux sont surtout reliés aux sciences de la vie. Je prédirait un avenir prometteur à cette approche… à moins que les universités ne rendent leurs chercheurs esclaves de l’Impact Factor devant leurs exigences de performance.