C’est ma femme qui m’a fait découvrir les chats que j’ignorais jusqu’à maintenant, tout comme ils m’ignoraient eux-mêmes. Le premier était gras et rouquin, vivant à ses côtés quand je suis entré dans sa vie. La cohabitation s’est déroulée sans heurts et j’ai commencé à m’attacher à ces bestioles. Quand un matin nous l’avons découvert crevé, à plat ventre et raide les quatre pattes écartées sur le carrelage de la cuisine, le désespoir de ma femme m’a affligé. Ne voulant pas revivre ces pénibles instants je lui ai interdit de reprendre un animal domestique. L’écho de ma phrase terminait à peine de résonner dans l’appartement qu’une minette y prenait ses quartiers. Une chatte tigrée répondant au nom de Lilou mais que j’appelle Titi car pour moi tous les chats se nomment Titi. Eventuellement quand je suis en veine de tendresse je me risque à l’appeler « ma petite bête ». Et je dois reconnaître qu’elle est adorable, très discrète elle ne fait jamais de bêtises. Alors que le rouquin était d’une curiosité insatiable, cherchant à entrer dans les placards ou dans les sacs quand nous revenions des courses, celle-ci est indifférente. Alors que l’autre ne pensait qu’à se goinfrer, la minette sait réclamer une pâtée plus élaborée quand elle est lasse de ses croquettes, mais sans excès de miaulements insupportables comme le précédent. Par contre alors que le premier ne cherchait pas à sortir du logement, la petite bête aime assez filer par la porte d’entrée dans l’escalier et prendre ses aises sur les pelouses ou sous les arbustes au pied de notre immeuble. Quand elle en a assez ou qu’elle veut rentrer, elle profite ou abuse d’un voisin, qui tous la connaissent, pour qu’il lui ouvre la porte de l’immeuble afin qu’elle puisse remonter. Elle attend alors sagement sur notre palier ou un autre que nous ouvrions notre porte pour se faufiler en miaulant, d’un air rouspéteur qui dit « enfin ! » dans la maison et courir à sa gamelle. S’en suit une interminable séance de nettoyage des pattes et du museau, en gestes délicats et souples, avant de regagner la chambre où elle s’endort dans sa position préférée, roulé en boule sur le gros oreiller, dans le silence et l’ombre de la pièce, retirée au fond de l’appartement. La nuit c’est sur le pied du lit qu’elle s’endort, ronronnant de plaisir de nous savoir à ses côtés. Et quand le matin, le lit défait laisse les draps ouverts pour qu’ils s’aèrent, sachant qu’il lui est interdit de coucher ailleurs que sur le dessus de lit, elle attend sagement, assise sur son cul dans le couloir qui mène à la chambre que la couche soit prête à accueillir notre petite boule de poils. Indépendante, notre co-locataire vit sa petite vie silencieuse, ne partageant avec nous que la soirée, quand assis dans le canapé nous regardons la télévision, elle vient alors se blottir sur mes genoux ou bien elle se vautre sur le dessus du dossier ce qui lui permet de nous tenir à l’œil tout en regardant par la fenêtre.