Né en 1962 à Londres mais élevé à Lagos au Nigéria, Fémi Kuti est le digne fils de Fèla Anikulapo Kuti, (1938-1997), saxophoniste fondateur de l'Afro Beat (Funk africain). Avec des titres plus courts et plus proches des musiques actuelles, Fémi fut le premier des fils de Féla à porter son message dans ses disques, dès 1997, avant son cadet Seun.
« Day By Day », son nouvel album, vient de sortir ce mois-ci. Dès les premières notes d' « Oyimbo », l'énergie est présente, le rythme funky est là, mâtiné d'une touche de reggae aussi, et la voix rappelle celle de son père. Le solo de saxophone montre un style différent et quelques claviers plus électroniques modernisent le style. La fin rappelle les likembés électriques de « Konono N° 1 », le son de l'Afrique actuelle. Les qualités de prêcheur collectif et de porteur de message de Fèla sont aussi présentes chez Fémi dans « Eh Oh », servies par des cuivres puissants, avec plus d'ensemble que chez Fèla, une guitare plus cool, high life, et un clavier plus rough, un son plus ramassé.
L'engagement est aussi rendez-vous dans le titre éponyme « Day By Day » priant pour la paix, avec une certaine sérénité émouvante dans la voix, plus proches dans ses chœurs des musiques traditionnelles Africaines, peut-être du charisme spirituel d'un Bob Marley. Plus modéré que Fèla, Fémi Kuti, s'il fait passer son message dans ses chansons, espère un jour monter une association humanitaire mais veut s'en donner le temps pour n'y dépendre d'aucune pression. Dans « Demo Crazy », un titre plus long, on retrouve l'énergie de l'Afro Beat originel avec un son plus moderne dans les attaques de cuivres, du clavier et dans une puissance sonore plus mordante. La transe est moins centrée sur les solos individuels que chez Fèla, plus dans l'énergie évolutive des riffs.
« Do You Know » est l'occasion, sur des claviers célestes et un groove aérien, pour Fémi de citer les héros du Jazz : Miles Davis, John Coltrane, proches du stylesde son père, mais aussi Billie Holiday et Dizzy Gillespie, suivi d'improvisations des musiciens, plus Jazz que chez Fèla. Le message : le Jazz vient de l'Afrique, à jamais, et finit avec Fèla Anifulapo Kuti. Mais ses musiciens sont souvent aussi des Jazzmen européens invités sur un titre.
« You Better Ask Yourself » dénonce le pillage des ressources naturelles de l'Afrique par les multinationales dans une atmosphère à la Fèla, avec une rythmique plus libre, et des cuivres tout aussi puissants, ce qui n'empêche pas le titre de s'ouvrir sur un sublime motif de trompette, atmosphère groove jazzy, et décontractée qu'on retrouve dans « Untitled ». Dans le même esprit, « One, Two, Three, Four » utilise les voix d'enfants remixées par des moyens électroniques, et la ferveur de Fémi dans ses « Again again » rappelle celle de son père, ou la sienne dans « I Wanna Be Free ». Dans « Tell Me », les cuivres montrent ce que les arrangements de Fémi ont apporté à la force du message à la seule improvisation libre de Fèla.
« Tensions Grip Africa » trouve une voie de groove à l'Africaine à la rythmique plus souple, funky, moins rêche, plus moelleuse que chez Fèla, où elle peut laisser à la longue et dénonce sur ce tapis mouvant de cuivres, claviers et basses funky, les tensions qui grippent les rouages de l'Afrique avec un son énorme mais harmonieux, cosmique, à la Sun Ra Arkestra.
« Dem Funny » est basé sur l'humour des claviers se répondant entre des percussions avec un groove irrésistible, et Fémi entraîne les chœurs à rire de leurs ennemis. L'album se termine avec « Let's Make History », dans la lignée de Fèla : rendre son histoire à l'Afrique, mais aussi lui permettre d'en contrôler le futur en agissant sur son présent.
Fèla avait donné une musique propre, rendu son Funk à l'Afrique. Avec Fémi elle peut aussi se rapprocher des sonorités groove plus actuelles ou utiliser des effets electro légers.