Il faut s’interroger sur ce penchant, à priori paradoxal, des libéraux au pouvoir pour une société policière.
La raison se trouve, comme le décrit A. Badiou, dans la création sociale des nouveaux sous-hommes de nos sociétés, les “sans”: sans-papiers, sans-domicile, sans-emplois, sans droits, sans-le-sou,… J’ai lu, dernièrement dans une tribune du Monde (dont j’ai oublié le titre et les références), un responsable institutionnel (dont j’ai aussi oublié le nom et les qualités, décidément, Alzheimer progresse) s’inquiéter que nos sociétés développées se centrent sur 80% de la population et n’envisagent, pour les 20% restants, que des solutions sarkoziennes: parcage dans des ilôts-ghettos socialement sous-équipés, prison, expulsion, et fliquage fichage dès le plus jeune âge, comme l’avait fait la fin du XIX ème siècle pour les “vagabonds”. Comme on ne peut plus les tuer, on assiste à la floraison de flash-ball et autres Taser censés permettre à nos gardiens de la paix(sociale) d’accomplir leur mission sans se tâcher.
Ce parcage va encore se développer à l’école avec la suppression de la carte scolaire, laissant les déchets sociaux entre eux. Il faudra néanmoins les fliquer ficher, ce qui explique les diverses tentatives darcosiennes de fichiers scolaires dès l’âge de 3 ans.
C’est pour ces gens-là sans grands espoirs, cantonnés aux marges, donc tentés par des comportements “incivils” et attirés par la délinquance, souvent petite lors de leurs jeunes années, que les USA ont mis au point les lois anti-récidives qui font qu’au troisième délit (même ultra-léger), c’est automatiquement 6 à 10 ans de prison. Processus que Mme Dati, cornaquée par “Sarkozy l’américain”, s’effforce d’implanter chez nous, avec le taux de suicides en prison que nous voyons exploser.
C’est la raison pour laquelle du fliquage fichage, toujours plus de fliquage fichage, des prisons, toujours plus de prisons, de la vidéo-surveillance, toujours plus de vidéo-surveillance, sont nécessaires, parralèlement aux ghettos avec clôtures électriques et miradors pour riches qui, partis des USA, commencent à s’exporter dans notre beau pays.
Les USA, pays libéral par excellence où les dépenses sociales sont des plus congrues, ont, en pourcentage, 7 fois plus de gens en prison que la France et ce malgré le zèle de Mme Dati pour rattraper ce retard. En France, la surpopulation carcérale atteint des niveaux préoccupants, car, en plus, un emprisonné coûte cher. Je n’ai pas les chiffres exacts (qui sont soigneusement cachés) mais je sais qu’au début des années 80, un emprisonné coûtait déjà plus de 1 000 F/jour, soit davantage qu’un hospitalisé. Et dans un pays au bord de la faillite comme le déclarait F. Fillon, comment faire ?
Je ne vois que deux solutions:
- soit, radicalement, rétablir la peine de mort et en élargir l’application jusqu’aux petits voleurs et dealers et pourquoi pas les taggers, voire les enfants faisant l’école buissonnière,
- soit, au delà des discours qui fleurissent à gauche comme à droite depuis 30 ans, se donner réellement les moyens de casser cette nouvelle ségrégation sociale en mettant en place d’imposantes mesures inégalitaires en faveur cette fois des plus déshérités afin de transformer les “sans” en “avec”. Je fais le pari que, d’ici 10 ans, cela nous permettrait d’importantes économies budgétaires.
- A lire dans Libé: les nouveaux cadeaux fiscaux de l’UMP, les mots et les faits concernant les crédits à la Recherche,et “Régulation, la bonne blague“.
- Les médias tendent à accréditer l’idée que la crise financière est terminée et que les dégâts actuels ont dûs à la perspective de la crise économique. Il n’en est rien. La crise financière est loin d’être terminée, tous les titres et obligations pourris, les ré-assurance des ventes à termes sont loins d’être purgés. En témoigne ce passage de cette dépêche de l’AFP : “L’indice Itraxx Europe sur les CDS, qui mesure le coût de l’assurance contre le risque de défaut, grimpe pour sa part de plus de 10%”.
- La tribune de F. Lemaître dans Le Monde: “Rappelons qu’en France les dirigeants du CAC 40 ont gagné en moyenne 4 millions d’euros en 2007, soit environ deux siècles de salaire médian. Et qu’à titre de comparaison le banquier américain John Pierpont Morgan, fondateur de la banque JP Morgan, estimait au début du XXe siècle que le top management ne devait pas avoir un salaire (hors dividendes) qui excède vingt fois celui d’un salarié moyen”… “les dirigeants des grandes banques internationales auraient touché ces trois dernières années environ 95 milliards de dollars de rémunération… alors que les pertes causées par leurs erreurs sont évaluées à plus de 1 000 milliards de dollars par le Fonds monétaire international”.