La Fiac à la recherche de valeurs sûres contre la crise

Publié le 24 octobre 2008 par Jérémy Dumont

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Auteur :
Valérie Duponchelle

L'artiste chinois de Dijon, Yan Pei-Ming, devant son diptyque Obama-McCain chez David Zwirner de New York
L'artiste chinois de Dijon, Yan Pei-Ming, devant son diptyque Obama-McCain chez David Zwirner de New York
Rigueur et lisibilité au programme de cette 35e Fiac qui a misé sur les ténors américains du marché, soudain dans la tourmente, et sur l'alliance si parisienne entre l'art moderne et l'art contemporain, star soudain contestée.

» EN IMAGES - La Fiac au Grand Palais » JEU CONCOURS : le prix Artcurial et «Le Figaro»

Que reste-t-il de nos amours ? La question plane comme une rengaine sur cette 35e édition de la Fiac (Foire internationale d'art contemporain), peaufinée comme une recette miracle pour mieux affronter la compétition internationale par le duo Martin Bethenod, commissaire général, et Jennifer Flay, directrice artistique. Dégrisés par les nouvelles de la Bourse, les investisseurs évaluent déjà la décote de leurs derniers achats au pic du marché ­- « moins 25 % ? » calculait lundi un grand nom de l'immobilier - et laissent le champ plus libre aux collectionneurs de toujours pour lesquels l'art et l'argent ne sont pas frères de sang.

Paradoxe ? Sous le vent menaçant de la crise financière, le tour de force, qui était de faire venir à Paris les stars de New York et de Londres, change brutalement de contexte. Portée par la montée en puissance de l'art contemporain, cette Fiac 2008 a opté pour une lisibilité accrue au Grand Palais, qui fait la part belle aux one-man-show des rois du marché sous nette domination anglo-saxonne. De Christopher Wool, minimal et abstrait, chez Luhring Augustine, aux terribles frères Chapman, nourris de Goya et de la contre-culture « british », chez White Cube. De Joan Mitchell, ode solaire à la peinture, chez Cheim & Read, à Wilhelm Sasnal, vedette de la scène polonaise à l'accrochage monastique, chez Sadie Coles. Qui vivra verra ?

Une fois retiré le filet du succès garanti, chacun se retrouve dans les mêmes starting-blocks à devoir défendre ses choix, ses artistes, ses partis pris, sa vision de l'art en somme. La promenade en est plus fraîche, plus personnelle, comme dégagée d'une obligation de résultats. « Pe ut-être faut-il une énorme purge pour revenir à l'essentiel, avancer, remettre les pendules à l'heure. L'art est comme la vie. Il y a des périodes où l'on doit se délester du surplus et chercher qui on est vraiment », analyse le Bruxellois Xavier Hufkens (Antony Gormley, Louise Bourgeois et Bertrand Lavier), officiellement « optimiste » comme nombre de ses pairs.

Une édition bien dosée

Le vent du boulet avait dé­contracté les plus hautains piliers de la scène londonienne, la semaine dernière à la Frieze Art Fair. Il donne des ailes aux visiteurs plus classiques de la Fiac, confortés dans leur particularité, hier « ringarde », de jauger l'art contemporain au regard de l'art moderne. Bien dosée grâce à l'exception culturelle française, cette 35e édition met ainsi en scène Vieira da Silva, reine des dédales (1908-1992), chez Jeanne Bucher, un sculpteur français inspiré et oublié, Étienne-Martin (1913-1995), chez Marwan Hoss, un certain Hans Bellmer (1902-1975), esprit surréaliste, illustrateur de Bataille et subtil dessinateur, galerie 1900-2000. La confrontation de Calder, sculpteur à la simplicité magique (1898-1976), et de Martial Raysse, jeune homme de 72 ans au talent acidulé, attire tout Paris chez Nathalie Seroussi, qui expose les constructions légères du feu follet brésilien, Ernesto Neto, dans les structures de feu l'architecte André Bloch à Meudon.

Les collectionneurs retrouvent spontanément le chemin de leurs coups de cœur (Bridget Riley, mobile et féérique chez Timothy Taylor). Razzia immédiate, hier matin, sur le répertoire de Gilles Barbier, fidèle a son monde ésotérique de mots en bulles et rubans (nouvelle série In the Soup…, galerie N. et G.-P. Vallois). Ventes en rafale pour les lustres en fil de fer tranchant et symboliques cristaux de la mer Morte de l'Israélienne Sigalit Landau (pièces uniques entre 8 000 € et 12 000 € chez Kamel Mennour), intérêt aigu, grâce à l'exposition « Métamorphoses » sur l'art contemporain coréen à l'espace Louis-Vuitton, sur la fausse momie de Jeon Joonho qui contemple l'orage traversant La Crucifixion de Rogier van der Weyden (50 000 $, édition de 3, chez Thaddaeus Ropac).

Hier matin, les télévisions faisaient la queue pour filmer l'ex- Young British Artist Marc Quinn, contemporain exact de Damien Hirst, dont les Kate Moss, en bronze doré ou blanc, les énormes fleurs pétaradantes ont remplacé les impressionnistes délicats chez Hopkins-Custot pour leur première Fiac. Beaucoup hurlaient d'indignation, mais les affaires allaient bon train.


Jusqu'à dimanche soir, au Grand Palais de 12 heures à 20 heures, à la Cour Carrée du Louvre de 13 heures à 21 heures, et au Jardin des Tuileries de 7 h 30 à 19 h 30. www.fiac.com