Pour ce premier portrait, la galanterie oblige a donné la parole à une femme ! Celui de Gaëlle Amoyel, ancienne apprentie du CFA BPF, elle nous permet par ce témoignage de voyager et nous faire partager son expérience depuis son départ du CFA BPF. Un témoignage passionnant qui permet de constater que la boulangerie mène à tout et partout.
« Après un baccalauréat scientifique, j’ai suivi des études en industries céréalières où j’ai obtenu un BTS. J’ai ensuite continué une année pour obtenir une mention complémentaire en qualité.
De là, après avoir effectué un stage de 6 mois dans un moulin, je me suis rendue compte que j’allais travailler en qualité alors que mes notions en boulangerie étaient basiques. Il fallait donc que j’approfondisse mes connaissances dans ce domaine.
Par conséquent, je me suis inscrite en Seine-Maritime à l’INBP à Rouen.
J’ai obtenu un CAP/BEP en boulangerie, puis une mention complémentaire en boulangerie et enfin un CAP pâtissier.
Je ne pensais pas m’orienter dans ce secteur d’activité ; mais ce domaine m’a vraiment plu, et c’est donc cette voie que j’ai choisie.
De retour à Avignon, ma ville natale, j’ai débuté par un poste de boulanger et très vite, ma responsable me confia un poste de responsable qualité au sein de cette même boulangerie. J’ai tout de suite accepté.
Mais ma curiosité et ma passion pour les pays étrangers m’ont rattrapée !
Par l'intermédiaire de Laurent Guilbaud, j’ai été mise en contact avec Mr Kayser qui cherchait une personne pour un poste au Japon…
C’est ainsi que je suis partie après un mois de formation à Paris dans une boulangerie de Mr Kayser.
Me voilà donc arrivant sur une des îles du soleil levant, le 10 juin 2008, accueillie et encerclée par une délégation importante de personnels de sécurité : l’évènement du G8 se faisait déjà pressentir !
Le lendemain, je découvrais le magnifique hôtel qui allait accueillir le Sommet ainsi que l’équipe avec laquelle j’allais travailler, car c’est au sein de l’hôtel même que ce trouve la boutique Eric Kayser. Quand je suis arrivée dans le fournil, ce qui m’a frappée d’emblée fut le calme qui y régnait : on aurait pu entendre voler une mouche ! Aucune voix, aucune agitation, aucun énervement malgré la proximité d’un évènement si important !
J’ai d’abord commencé par observer et analyser ce que chacun faisait afin de comprendre les différents postes ainsi que l’organisation des tâches. L’équipe est composée d’un responsable et de 5 ouvriers (3 femmes et 2 hommes). De par leur ancienneté dans l’entreprise, ils sont tous quasiment autonomes.
De là, j’ai rapidement compris que ma principale difficulté serait la communication!...
En effet, non seulement la discrétion et la réserve japonaise mettent un premier frein aux échanges, mais en plus, l’anglais (langue commune pour nous comprendre) n’est pas une langue qu’ils maîtrisent forcément bien. Toutefois, j’ai eu beaucoup plus de facilité à échanger avec les japonaises car force est de constater qu’elles sont plus avenantes que les japonais !
Le premier poste que j’ai occupé fut le façonnage, et celui de la préparation des pâtisseries et des sandwichs. A peine avais-je eu le temps de prendre mes marques que le mois de juillet arrivait ; le travail allait croissant en vue du G8 : préparations des matières premières, de la viennoiserie et nettoyage du fournil.
Puis, Mr Kayser est arrivé sur place. Sa présence, je dois l’avouer, me soulagea : en effet, j’avais un soutien, je pouvais communiquer et j’obtins plus de liberté et de responsabilités. C’est à partir de ce moment que j’ai changé de poste pour passer au pétrissage.
Pendant le sommet du G8, le travail fut intense ; nous devions fournir l’hôtel en pain et en viennoiserie pour les petits déjeuners ainsi que les différents restaurants de l’hôtel et aussi, bien sûr, le magasin. Tout cela avec l’exigence d’une haute qualité des produits. Il faut savoir que durant cette période, pour toutes les personnes qui appartenaient aux différentes délégations (c'est-à-dire pratiquement la majorité de la clientèle), tous les produits étaient gratuits : il fallait donc réapprovisionner le magasin très régulièrement !....
Durant ces trois jours, l’hôtel était fermé et réservé exclusivement au G8.
Tout avait été réorganisé pour l’occasion :
- présence d’agents de sécurité en nombre considérable
- mise en place de caméras de surveillance
- passage obligatoire au point de vérification des identités et fouilles pour toutes les personnes allant à l’hôtel
- réaménagement de certaines parties de l’hôtel pour les conférences de presse, les séances de travail, les réunions bilatérales…
Au fournil, l’ambiance était très particulière : tout le monde s’activait et ce, toujours sans bruit, sans précipitation, sans énervement.
Pendant ce temps-là, les présidents des huit pays (Etats-Unis, Canada, Angleterre, Russie, Allemagne, France et Italie) travaillaient sur trois thèmes :
- l’économie mondiale
- l’environnement et le changement climatique
- le développement de l’Afrique
À l’occasion de ce sommet, en ce qui concerne la gamme de fabrication des pains, Mr Kayser avait choisi de représenter chaque pays par un pain spécial. Ainsi, pour chaque pays, une spécialité était mise en valeur :
- Etats-Unis : pain de mie à la pistache et aux abricots séchés
- Canada : pain au sarrazin et au sirop d’érable
- Angleterre : pain au thé Earl Grey
- Allemagne : pain au seigle et céréales
- Russie : pain au seigle et au cumin
- Italie : pain à l’huile d’olive et aux tomates séchées ; pain à l’huile d’olive et aux olives noires
- Japon : pain aux azukis (haricots)
- France : petit pain « pistolet »
- Inde : pain à l’huile d’olive et au curry
- Chine : pain de mie aux écorces d’orange séchées
Afin de mener à bien cet évènement, nous avons eu l’aide d’un boulanger français qui travaille habituellement dans les boulangeries Eric kayser à Tokyo, Mr Laurent Millet, ainsi que celle de Mle Magali Bigotti, responsable des magasins de la maison Kayser en France. Elle était particulièrement chargée du soin apporté à la présentation des produits dans le magasin et participait à la vente.
A la fin du sommet, l’ambiance changea considérablement ; la pression redescendit et surtout les couloirs de l’hôtel sont devenus déserts…
En ce qui me concerne, ce fut une expérience très enrichissante que d’avoir eu la possibilité de travailler pour un tel évènement et pour tant de personnalités.
Je suis ravie de la chance qui m’a été donnée de pouvoir être présente à ce moment si particulier et si privilégié.
Ensuite, la petite équipe française s’est donc restreinte et je me suis retrouvée seule au milieu d’une équipe japonaise, où chacun sait ce qu’il a à faire, travaillant dans le calme et la sérénité.
Mes premières remarques sont les suivantes :
- les japonais aiment l’ordre et la rigueur dans le travail
- ils n’apprécient pas les changements : ils reproduisent gestes et actions de façon identique chaque jour
- ils ont beaucoup de difficulté à retenir ce qu’on leur dit, les choses doivent être écrites et définies à l’avance par un supérieur
- s’il y a un désaccord, ils pensent forcément avoir raison, ils sont sûrs d’eux, ne veulent pas changer puisque tout est prédéfini à l’avance ou doit l’être. Et dès que la journée de travail est finie, ils changent de comportement.
- Ils sont très polis et très respectueux.
- Ils sont très précis et très organisés dans le travail.
J’aurai peut-être changé d’avis dans un an ! En attendant, j’ai décidé de me mettre au japonais, ainsi les échanges seront plus faciles et la découverte de cette culture plus aisée, plus profonde.
Plus les jours passent et plus les langues se délient… Je pense que je vais vivre une année fantastique, pleine de rebondissements. Malgré la rigueur et le calme, la routine ne sera pas de mise et je sens que je ne vais pas manquer d’émerveillements, de surprises, tant en ce qui concerne ce que je vais goûter, que ce que je vais voir et découvrir…. »